Veillées pour les mots
Cet ouvrage compare le discours du martyre chez Césaire, discours ayant pour horizon la mort du héros, à celui du deuil chez Condé et Chamoiseau, discours ayant la mort du héros pour point de départ et le renouvellement de la communauté qui porte son deuil comme dénouement. Il s’agit de lire ces oeuvres à la fois en tant qu’allégories de la Martinique et de l’écriture et en tant qu’intertextes, questions et réponses, les uns des autres.
Les chemins de Loco-Miroir
La moindre pulsation de tambour faisait palpiter ses reins, elle marchait comme on danse, frémissante, vers sa liberté…, ainsi Alma Viva Jean Joseph, dite Cocotte, décrit Violaine, sa sœur Marassa, sa jumelle, quoi, selon les esprits de Guinée, les Loas, ceux de l’autre côté de l’eau (nous sommes en Haïti) qui régissent la vie des vivants et des morts. Et les Esprits, croyez-moi, quand ils vous choisissent, votre vie cesse d’être un champ de roses. Pourquoi, par exemple, Violaine la resplendissante, à la peau de velours doré, se laisse-t-elle ainsi égarer ? Pourtant, cette folle, cette tête d’orage, ce petit fruit rebelle, elle le savait bien que l’on ne tombe pas impunément amoureuse d’un pauvre Noir, si beau et intelligent soit-il, quand on est quasiment blanche et qu’on est promise à un riche héritier. Oui, mais voilà, si la vie s’alignait sur la couleur du ciel, il y a longtemps que Haïti serait le pays le plus heureux du monde… Dans ce premier roman, riche de tendresse et de sensualité, Lilas Desquiron, qui appartient à une vieille famille haïtienne, laisse percer, sous le foisonnement d’un langage magique, le regard acéré de l’ethnologue.
Moi, Trésilien-Théodore Augustin
Ce n’est pas un mauvais bougre, ce Trésilien-Théodore Augustin qui se proclame Général-Président à vie pour dynamiter l’inertie de son île-pirogue, dont il déplore la nonchalante passivité. Mais franchement, instaurer, pour rattraper des siècles d’immobilisme, une direction des montres, horloges et calendriers, chargée de liquider des saints contre-révolutionnaires, court-circuiter saisons et fêtes carillonnées, ou interdire aux crabes de marcher de côté pour cause d’exhibition déviationniste, est-ce bien raisonnable ? Alors, le jour où Trésilien décide de supprimer le samedi, c’en est trop : Vent Debout et son bataillon de marchandes d’amour – dont c’est le meilleur jour – déclenchent la grève générale. Avec un succès à faire pâlir d’envie les syndicats de tous pays, jusqu’aux bulles d’eau gazeuse qui refusent de remonter à la surface ! Et le grand bond en avant de Trésilien s’écrasera le nez dans la mangrove… Sous le charme d’un conte éblouissant de verve, une question fort sérieuse, en écho à la phrase d’Aimé Césaire mise en exergue : Il y a, dans la société antillaise, plus de Polpots potentiels que vous ne le croyez.
Cravache ou le nègre soubarou
C’était il y’a longtemps, vingt,trente, quarante ans…peut-être plus. Un bourg, au sud de la Martinique, sur les hauteurs: une case, celle ou grandit un adorable petite fille au crane rasé: Percélia. Dans ce cadre naturel, son encore touché par la civilisation à la fois hostile et hospitalier, cravache en « père » peu ordinaire gère la vie de sa famille. Hosana, épouse soumise, mére aimante, femme sacrifiée, adoucit du mieux qu’elle peut l’existence de sa famille qui trouve réconfort et tendresse auprès d’Adolphis voisin espiègle et dévoué. Les mouvement d’humeur de cravache rythment la vie de tout le quartier et restent liées à cette époque à tel point qu’aujourd’hui les « plus âgés » rappellent avec une pointe de nostalgie: an tan cravache.