De 1974 à 1994, il a suivi pas à pas François Mitterrand. Chauffeur particulier du premier secrétaire du Parti socialiste, Pierre Tourlier est devenu peu à peu la « nounou » du président de la République française. C’était à lui qu’incombait la lourde tâche de maintenir des cloisons étanches entre les deux familles (l’épouse Danielle et la concubine Anne Pingeot), d’accompagner à l’école la fille cachée (Mazarine), de trouver les meilleures huîtres et les plus beaux ortolans, de chasser les importuns et d’apaiser les dernières souffrances. Lui seul pouvait, au lendemain du décès de l’ex-président, bloquer l’entrée de la chambre mortuaire aux maîtresses éplorées. Il les connaissait toutes. Conduite à gauche est le récit de vingt années passées dans l’intimité de François Mitterrand. Écrit dans un style simple, où perce parfois l’émotion, il fourmille d’anecdotes sur l’homme, qui appréciait les Bee Gees, abhorrait les téléphones portables, collectionnait les femmes, fondait devant sa fille, et rêvait de finir sa vie au pays des pharaons, sur les bords du Nil.
Le bureau de poste de la rue Dupin
« Il y a quelque chose que vous avez dû oublier. Et dont moi qui oublie tout je me souviens de façon lumineuse : C’est la première fois qu’on s’est vus, ici, dans cet appartement. C’était tard dans la soirée, vous étiez deux. Vous vous êtes assis devant la cheminée du salon, de part et d’autre d’un poêle, de ceux qui étaient faits avec des vieux barils à huile et dans lesquels on brûlait du papier journal compressé en boulets. Je ne sais plus si je vous ai donné quelques chose à manger. Il y avait Mascolo. Vous avez parlé ensemble tous les trois, mais très peu. Et tout à coup vous avez fumé, et la pièce a été envahie par l’odeur de la cigarette anglaise. Il y avait tris ans que je n’avais pas senti cette odeur. » Les cinq entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand publiés ici ont été réalisés de juillet 1985 à avril 1986. Parus à l’époque dans l’Autre Journal, les voici aujourd’hui réunis , enrichis de notes et de témoignages qui en éclairent le contexte.
L’abeille et l’architecte
François Mitterrand est un de ceux qui croient qu’il n’est de bonne écriture qu’exacte. Tandis qu’il mène sa vie d’homme d’action, un autre en lui observe le vent « grande rumeur dans le ciel immobile », garde le rythme des jours avec l’odeur du blé, l’odeur du chêne, la suite des heures. L’écrivain qu’il est laisse place à l’élan du rêve, aux sensations, aux émotions. Il nous donne la Crète, le vertige du Kremlin, les canards sauvages virant de bord à Manhattan, l’angoisse du Japon, son étonnement devant le retournement communiste. L’homme d’Etat dialogue avec Kissinger, venu le voir chez lui à Paris, avec Brejnev – ce qui nous permet de saisir une clef de l’empire soviétique. Il parcourt le monde avec son bâton de pèlerin socialiste.