
Dans ce livre – est-ce un roman ? est-ce un essai ? — l’auteur d’Au plaisir de Dieu fait un bilan plein d’humour et de malice de sa propre vie, de sa réussite éclatante, qui le surprend lui-même. Il invoque d’abord la mémoire de son père, ambassadeur de France, dont il trace un admirable portrait.
Qui est ce « vagabond » qui passe, sinon Jean lui-même ? Quand dit-il la vérité ? Quand rêve-t-il ? La jeune Irlandaise Lady Ann a-t-elle existé ? A-t-elle connu avec Lord Fitzgerald, colonel aux Gardes, un amour tragique ? Leur histoire est si belle que nous ne cherchons pas à démêler la fiction de la réalité.
Un sang d’aquarelle
Paris, 1942. Constantin von Meck, metteur en scène allemand qui a fait l’essentiel de sa carrière à Hollywood, tourne un film pour la U.F.A. Il ironise sur ses compatriotes, s’insurge contre les brutalités policières, tente de sauver deux techniciens juifs, est révolté par une scène de torture, mais il ne remet fondamentalement en cause ni l’Allemagne nazie, ni la collaboration, ni sa propre attitude. Il aime la vie et les femmes – surtout la sienne, la belle Wanda. Il aime les hommes, les personnages extravagants et le rire. Séduisant, bruyant, drôle lui-même, il avoue pourtant avoir du « sang d’aquarelle ». Il lui faudra la révélation de l’horreur devant laquelle, d’abord, il recule pour affronter finalement son destin, au terme d’une existence placée sous le double signe de la comédie et de la tragédie.
Le parti pris des choses
L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos. À l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en-dessus s’affaissent sur les cieux d’en-dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords. Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner.
L’éducation sentimentale
De 1840 à 1867, la vie fait L’Éducation sentimentale de Frédéric Moreau et de toute une jeunesse idéaliste qui a préparé dans la fièvre la révolution de 1848. Le roman s’ouvre sur des rêves exaltés et s’achève sur la médiocrité des uns et des autres. Entre temps, la vie s’est écoulée autour de Frédéric, qui semble n’avoir pas plus participé aux mutations de son temps qu’à l’édifice de sa propre destinée potentielle. Au cours de cette existence, Madame Arnoux, dont les apparitions sont autant de surgissements mystiques, tient lieu au jeune homme d’absolu insaisissable.
La noce d’Anna
Sur le mur, la robe est accrochée comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu’importe, c’est le jour d’Anna. Aujourd’hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d’invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd’hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue. Je marie ma fille, aujourd’hui. Cette phrase bondit dans ma tête tandis que je la regarde dormir. J’ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd’hui. J’ai soudain l’impression d’être sortie de mon corps, de flotter au-dessus d’Anna endormie et de moi-même, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m’arriver, pas à moi. J’aurais souhaité être sage le jour du mariage de ma fille. Pendant la noce d’Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu’elle a été, si différente de sa fille aujourd’hui, de ses rêves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu’elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille. Pendant la noce, l’enfance d’Anna resurgit avec le souvenir du père, de l’absent, de l’inconnu… Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.
Olga
L’est de l’empire allemand à la fin du XIXe siècle. Olga est orpheline et vit chez sa grand-mère, dans un village coupé de toute modernité. Herbert est le fils d’un riche industriel et habite la maison de maître. Tandis qu’elle se bat pour devenir enseignante, lui rêve d’aventures et d’exploits pour la patrie. Amis d’enfance, puis amants, ils vivent leur idylle malgré l’opposition de la famille de Herbert et ses voyages lointains. Quand il entreprend une expédition en Arctique, Olga reste toutefois sans nouvelles. La Première Guerre mondiale éclate, puis la Deuxième. À la fin de sa vie, Olga raconte son histoire à un jeune homme qui lui est proche comme un fils. Mais ce n’est que bien plus tard que celui-ci, lui-même âgé, va découvrir la vérité sur cette femme d’apparence si modeste. Bernhard Schlink nous livre le récit tout en sensibilité d’un destin féminin marqué par son temps. À travers les décennies et les continents, il nous entraîne dans les péripéties d’un amour confronté aux rêves de grandeur d’une nation.
Robert Mitchum ne revient pas
Au printemps 1992, les Serbes encerclent Sarajevo. Vahidin et Marija, deux athlètes de l’équipe de tir yougoslave, s’entraînent en prévision des jeux Olympiques de Barcelone. Tous deux sont bosniaques, et amants ; lui est musulman, elle est serbe. Ils vivent à Ilidza, une banlieue de Sarajevo, sans s’être jamais souciés de leurs origines. Pourtant, ils vont être brutalement séparés par le siège, puis au fil des mois enrôlés dans des camps opposés en raison de leurs exceptionnels dons pour le tir. Jean Hatzfeld reconstitue l’atmosphère de Sarajevo sous les bombardements, le basculement des mentalités, il pénètre dans l’univers des tireurs d’élite, il décrit leurs techniques, leur adaptation à la topographie urbaine. Mais c’est avec les armes du romancier qu’il nous permet de vivre une tragédie contemporaine, à travers la malédiction qui frappe deux amoureux pris malgré eux dans l’engrenage guerrier.
Je viens d’ailleurs
Il y a des souvenirs plus graves que la vie elle-même. La brûlure se fait sentir après coup. Les dire, les redire, et même peut-être un jour les écrire, ailleurs, autrement, dans une autre langue, permettrait de les conjuguer au passé, des les faire entrer dans un livre, comme une vie vécue autrefois par une narratrice inconnue, anonyme, comme un récit qui se raconte et pourrait être le mien, le vôtre ou celui d’une autre. Je viens d’ailleurs raconte par fragments vingt ans de la vie d’une jeune Iranienne révoltée par la violence du régime islamique installé par Khomeini en 1979. La voix de la narratrice, claire, juste, tintée de lyrisme persan, nous fait rejoindre, à chaque page, un quotidien souvent insoutenable et jusqu’ici complètement ignoré par l’Occident. Entre fiction et témoignage, ce roman donne à voir, à entendre , à comprendre l’Iran quotidien.
Yvain ou le Chevalier au lion
A partir de 12 ans – En forêt de Brocéliande, il existe une fontaine magique qui déclenche d’effroyables tempêtes lorsqu’on renverse son eau sur le perron qui l’entoure. À la cour du roi Arthur, Yvain, jeune chevalier fougueux, décide d’affronter Esclados le Roux, le seigneur qui protège cet endroit. Il s’y rend et blesse gravement son adversaire qui prend la fuite. Yvain le poursuit et se trouve pris au piège, pourchassé à son tour par les gens du château désireux de venger leur maître. Comble de l’infortune, la jeune femme dont il tombe amoureux est Laudine, la veuve du chevalier vaincu ! Comment Yvain va-t-il se tirer de ce mauvais pas ? Heureusement, dans ses aventures, il pourra compter sur l’aide de Lunette, une demoiselle au service de Laudine, ainsi que sur la fidélité de son lion.
Un été algérien
Cet été-là aurait pu être un été comme les autres. Un été de plus dans la ferme Barine, à quelques kilomètres de Sétif, dans une Algérie encore française où la guerre d’indépendance s’éternise. Un été où Paul et Salim deux amis de quinze ans se seraient ennuyés au rythme lent des moissons. Pourtant, cet été verra la fin de leur amitié. Salim, fils de fellah, va être amené à choisir le camp de l’indépendance. Paul va rester dans celui des Français. Spectacle de deux adolescents pris dans la tourmente de l’Histoire, de leur histoire.
Belle du Seigneur
1968. Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d’eux seuls préoccupés, goûtaient l’un à l’autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d’être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s’admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu’ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c’était cela, amoureux, et il lui murmurait qu’il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu’ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu’ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d’elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs ils se verraient. Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d’une foule de comparses : ce roman n’est rien de moins que le chef-d’œuvre de la littérature amoureuse de notre époque.
Ils vont tuer Robert Kennedy
A Vancouver, en Colombie-Britannique, un professeur d’histoire fait sa thèse sur l’assassinat de Robert Kennedy. Il est persuadé que la mort brutale de ses deux parents successivement en 1967 et 1968 est liée à l’assassinat du jeune politicien américain en juin 1968. Son enquête l’amène à découvrir les liens tissés par son père et les services secrets britanniques durant la Résistance.
Plonger
Ils l’ont retrouvée comme ça. Nue et morte. Sur la plage d’un pays arabe. Avec le sel qui faisait des cristaux sur sa peau. Une provocation. Une invocation. À écrire ce livre, pour toi, mon fils. » Un homme enquête sur la femme qu’il a passionnément aimée. Elle est partie il y a plusieurs mois, pour une destination inconnue, le laissant seul avec leur petit garçon. Quand le roman s’ouvre, on l’appelle pour lui dire qu’on l’a retrouvée morte, sur une plage, près des vagues, vraisemblablement noyée, dans un pays lointain au paysage minéral qui pourrait être l’Arabie. Elle était artiste, elle s’appelait Paz. Elle était solaire, inquiète, incroyablement douée. Elle étouffait en Europe. Pour son fils, à qui il doit la vérité sur sa mère, il remonte le fil de leur amour – leur rencontre, les débuts puis l’ascension de Paz dans le monde de l’art, la naissance de l’enfant – et essaie d’élucider les raisons qui ont précipité sa fin.
Dimanches d’août
Pourquoi le narrateur a-t-il fui les bords de la Marne avec Sylvia pour se cacher à Nice ? D’où vient le diamant la Croix du Sud, la seule chose dure et consistante de leur vie et qui, peut-être, leur porte malheur ? De quoi est mort l’acteur populaire Aimos ? Qui sont les Neal, et pourquoi, de leur villa délabrée, s’intéressent-ils de si près à Sylvia, au narrateur, à la Croix du Sud ? Et Sylvia ? A-t-elle été l’épouse de Villecourt ? Et Villecourt ? Que vient-il faire à Nice, lui aussi, à l’heure de sa déchéance ? A travers toutes ces énigmes qui s’entrecroisent, un roman d’amour se dessine, empreint d’un charme qui hante le lecteur pendant longtemps.
Chocolat amer
Dans le Mexique du début du siècle, en pleine tempête révolutionnaire, Tita, éperdument éprise de Pedro, brave les interdits pour vivre une impossible passion. À cette intrigue empruntée à la littérature sentimentale, Laura Esquivel mêle des recettes de cuisine. Car Tita possède d’étranges talents culinaires : ses cailles aux pétales de roses ont un effet aphrodisiaque, ses gâteaux un pouvoir destructeur. L’amour de la vie est exalté dans ces pages d’un style joyeux et tendre, dont le réalisme magique renvoie aux grandes œuvres de la littérature latino-américaine. Chocolat amer, adapté en film sous le titre Les épices de la passion, s’est vendu à plus de quatre millions d’exemplaires dans le monde.
Eloge des femmes mures
Je me méfiais d’Eloge des femmes mûres, ne serait-ce que parce que ce roman est devenu un best-seller mondial. J’avais tort. L’érotisme, c’est cela, le vrai, qui se pratique dans la découverte et le respect de l’autre, qui enrichit la connaissance de soi. Maurice Nadeau, La Quinzaine littéraire. C’est sans doute la plus incroyable aventure éditoriale de ces dernières années. En France, Eloge des femmes mûres tient le haut du pavé depuis maintenant dix-huit mois : il n’a pratiquement jamais quitté les listes des meilleures ventes des livres. Et tout cela sans le secours de la presse : trois articles en tout et pour tout. Un récit amusant, un style sobre mais irréprochable, un propos anticonformiste et profond : il n’en fallait pas davantage. François Busnel, L’Express. C’est un bijou de subtilité, de nuances, sur la découverte de la sexualité. Je n’en suis pas encore revenue. Lisez-le ! Danielle Laurin, Elle.
Tours et détours de la vilaine fille
Que de tours et de malices chez cette « vilaine fille », toujours et tant aimée par son ami Ricardo, le « bon garçon ». Ils se rencontrent pour la première fois au début des années cinquante, en pleine adolescence, dans l’un des quartiers les plus huppés de Lima, Miraflores. Joyeux, inconscients, ils font partie d’une jeunesse dorée qui se passionne pour les rythmes du mambo et ne connaît d’autre souci que les chagrins d’amour. Rien ne laissait alors deviner que celle qu’on appelait à Miraflores « la petite Chilienne » allait devenir, quelques années plus tard, une farouche guérillera dans la Cuba de Castro, puis l’épouse d’un diplomate dans le Paris des existentialistes, ou encore une richissime aristocrate dans le swinging London. D’une époque, d’un pays à l’autre, Ricardo la suit et la poursuit, comme le plus obscur objet de son désir. Et chaque fois, il ne la retrouve que pour la perdre. Et, bien entendu, ne la perd que pour mieux la rechercher.
Efina
T est un acteur de théâtre marginal et fantasque, Efina une de ses admiratrices. Une lettre que T lui avait envoyée et qu’ils avaient tous deux oubliée les pousse à s’écrire et à se revoir. Ils entament alors une liaison faite d’attirance et d’éloignements, de curiosité et d’ennui, qui les obsédera toute une vie. Cruel autant que drôle, ce roman est un magnifique portrait de l’amour en scène.
Danse avec la vie
Une romancière cubaine en panne d’inspiration est poussée par son éditeur à s’essayer à l’écriture d’un roman érotique. Elle trouvera finalement le sujet de son livre en même temps qu’un nouvel amant, l’homme d’affaires Richard Soler : ce sera l’aventure d’un triangle amoureux formé de deux danseurs, Canela et Juan, et d’un photographe, Peter, en pleine déprime. Si la Cubaine Canela et l’Andalou Juan ont d’abord du mal à s’accorder et à surmonter des sensibilités artistiques assez opposées, la danse finira par les unir, mais aussi par mettre en danger de mort Canela, dont le ténébreux mari est jaloux. Heureusement, l’éditeur change d’avis et la romancière doit tout reprendre de zéro… Zoé Valdés entremêle habilement plusieurs histoires, enchâssées les unes dans les autres, et déploie son imagination débridée et sa sensualité dans une trame romanesque des plus originales. La vie de l’écrivain fait ainsi irruption dans l’existence des personnages, et les deux mondes finissent par se mélanger. Cette manière très insolite d’entraîner le lecteur dans son univers haut en couleur constitue une nouvelle preuve de son grand talent.
Nos séparations
Je pense à Iris qui fut importante tout de même, à Émilie aussi, à Céline bien sûr, et puis d’autres prénoms dans d’autres pénombres, mais c’est Alice, toujours Alice qui est là, immuable, avec encore des rires au-dessus de nos têtes, comme si le premier amour était une condamnation à perpétuité. Alice et Fritz s’aiment, et passent leur vie à se séparer. Les raisons : la cyclothymie des mouvements passionnels, les parents et les beaux-parents, le travail et les collègues, les amis d’enfance, deux Polonais comme toujours, les cheveux et les dents, une longue histoire de cravate, la jalousie, et Schopenhauer bien sûr.
Le hussard sur le toit
Le hussard sur le toit : avec son allure de comptine, ce titre intrigue. Pourquoi sur le toit ? Qu’a-t-il fallu pour l’amener là ? Rien moins qu’une épidémie de choléra, qui ravage la Provence vers 1830, et les menées révolutionnaires des carbonari piémontais. Le Hussard est d’abord un roman d’aventures ; Angelo Pardi, jeune colonel de hussards exilé en France, est chargé d’une mission mystérieuse. Il veut retrouver Giuseppe, carbonaro comme lui, qui vit à Manosque. Mais le choléra sévit : les routes sont barrées, les villes barricadées, on met les voyageurs en quarantaine, on soupçonne Angelo d’avoir empoisonné les fontaines ! Seul refuge découvert par hasard, les toits de Manosque ! Entre ciel et terre, il observe les agitations funèbres des humains, contemple la splendeur des paysages et devient ami avec un chat. Une nuit, au cours d’une expédition, il rencontre une étonnante et merveilleuse jeune femme. Tous deux feront route ensemble, connaîtront l’amour et le renoncement.
La dernière fete de l’empire
De retour dans son île, le narrateur retrouve pour la dernière fois le « Café de l’Empire » que sa mère vient de vendre. C’est alors que naît un flot de souvenirs, d’images. La journée qui est celle de la fermeture de « l’Empire » contient plusieurs destins. Le passé et le présent alternent, donnant à voir une humanité sans grandeur, mais non sans folie. Et surtout il y a la mère, dans sa vieillesse solitaire, de qui le fils prend congé sans soupçonner qu’avec ceux que l’on aime le banal au revoir, c’est parfois un adieu.
Richard continue de chercher la liberté dans toute relation. Ainsi la série devient une exposition de toutes les variantes de relations humaines. Richard, avocat à succès à l’approche de la trentaine, a , en plus de la longe liste de femmes d’une nuit, des relations plus durables mais inconstantes, avec cinq maîtresses, où il est le dominateur: l’ancienne servante de famille, qu’il pousse à la drogue et la prostitution; sa secrétaire, servante soumise, qu’il pousse au suicide; une jeune fille pure, séduite, mis enceinte, qu’il pousse à l’avortement, une prostituée toxicomane qu’il essaie par pari de rendre fou d’amour pour lui, et la maîtresse de son propre frère Daniel, avec laquelle il trahit son frère et qu’il violera. Et il trahit son frère aussi en organisant un trio avec lui et une de ses maitresses. son frère, épris au jeu, encore en le donnant l’occasion de jouer gros au casino. Les grosses pertes poussent Daniel à se suicider. Dans le dernier tome, Richard, en plus des femmes, va se donner à la drogue, entre de plus en plus dans les boites de nuit suspectes, et en même temps il joue des jeux malsains avec des femmes qu’il fait souffrir moralement. Son dégoût pour la femme impure qui devient de plus en plus explicite est en contradiction flagrante avec sa propre vie: Richard applique sans gène une morale double. Kessel analyse si l’on peut appeler cela analyser aussi Richard dans une situation de dépendance par un accident routier qui le met en plâtre de la tête au bassin pour plusieurs mois, « analyse » Richard en relation avec des politiciens au pouvoir la corruption n’y manque pas), et « analyse » Richard dans sa relations avec ses parents vieillissants (son père meurt au dernier chapitre.
Frère honorat
Raymond Guétard, le narrateur, est âgé de vingt ans. Né à Rodez dans une famille sans religion, il est mal dans sa peau, supérieurement lucide et revenu de tout avant même d’avoir vraiment vécu. À seize ans, il connaît Françoise, la bibliothécaire municipale qui en a vingt-trois. Si la complicité de leurs intelligences est totale, l’amour entre eux se révèle être un échec. Il n’y a pas d’amour humain, assure Raymond, désormais soulevé par un élan vers la foi qui va le conduire au monastère bénédictin de Combelle dans l’Aveyron. Il entrera dans les ordres sous le nom de frère Honorat. Cependant son « mal-être » l’envahit progressivement de dégoût, en dépit de son amitié profonde pour frère André qui le suit de très près. Soumis à l’épreuve d’un terrible déchirement, le jeune homme quitte Combelle après avoir tenté d’y mettre le feu. Il retourne chez ses parents à Rodez. Entre-temps, Françoise, qu’il aurait pu aimer, est devenue l’amie intime de sa mère auprès de laquelle elle s’est installée. La pudeur de la réflexion, la rigueur de son analyse font de ce livre une sorte de bréviaire que troublent le désir de trouver Dieu et le désespoir de manquer le rendez-vous du sacré. Il émeut en profondeur. Il met en alerte la conscience des lecteurs, quels qu’ils soient. La sobre beauté de son écriture et l’extraordinaire volonté de mettre au jour la vérité en sont les atouts premiers.
Quartier perdu
Un dimanche de juillet, Ambrose Guise arrive à Paris. Personne. Sauf les statues. Une ville fantôme, lui semble-t-il, après un bombardement et l’exode de ses habitants. Auteur de romans policiers anglais, il vient rencontrer son éditeur japonais. Mais il va profiter de ce voyage pour élucider les mystères de son passé, du temps où il était français et s’appelait Jean Dekker, il y a vingt ans. Il fait alors surgir dans un Paris crépusculaire, halluciné, des lieux étranges : une chambre secrète rue de Courcelles, en face d’une pagode ; un grand rez-de-chaussée donnant sur un jardin, place de l’Alma.
Angle mort
La nature a horreur du vide. Dans le banditisme peut-être plus qu’ailleurs. Diego est braqueur, né à Barcelone.Il vit à Aubervilliers, dans une hacienda délabrée, avec son frère Archibaldo et des souvenirs.Leur soeur, Adriana, a fait d’autres choix.Artiste au cirque Moreno, elle rêve d’accrocher son trapèze à la tour Eiffel. Paris, bassin de la Villette. Lors d’un braquage, le gérant d’un bar s’effondre, terrassé par un coup de batte de base-ball.La brigade criminelle du 36 et le 2e DPJ sont cosaisis. Les commandants Desprez et Duchesne, aidés de la Fluviale,tirent le fil qui les fera remonter à Diego.
Les chasseurs
Un professeur d’université américain raconte sa vertigineuse descente aux enfers, le temps d’un été, au sortir d’une rupture amoureuse, dans l’isolement d’un appartement londonien. Avide de paix et de solitude, il ressent comme une agression la visite de courtoisie de son étrange voisine, Ridlev Wandor. Elle est laide, ingrate, quelconque. Un récit obsessionnel et fort de Claire Messud, une des voix majeures de la littérature américaine contemporaine.
Corps et âme
À New York, dans les années quarante, un enfant enfermé dans un sous-sol regarde les chaussures des passants. Pauvre, sans autre protection que celle d’une mère excentrique, Claude Rawlings semble destiné à demeurer spectateur d’un monde inaccessible. Mais dans la chambre du fond, enseveli sous une montagne de vieux papiers, se trouve un petit piano désaccordé. En déchiffrant les secrets de son clavier, Claude va se découvrir lui-même : il est musicien. Ce livre est l’histoire d’un homme dont la vie est transfigurée par un don. Son voyage, jalonné de mille rencontres, amitiés, amours, le conduira dans les salons des puissants, et jusqu’à Carnegie Hall. La musique, évidemment, est au centre du livre musique classique, grave et morale, mais aussi la pulsation irrésistible du jazz. Autour d’elle, en une vaste fresque foisonnante de personnages, Frank Conroy brosse le tableau fascinant, drôle, pittoresque et parfois cruel d’un New York en pleine mutation.
Par-delà les collines et les mai ais hantés, là où le soleil perd de son intensité avant de disparaître, se dresse le lugubre château de l’archidémon Capon. Depuis la nuit des temps, cet ennemi juré de l’humanité traque les mortels pour s’emparer de leur âme et les livrer pour l’éternité aux tortures les plus cruelles et les plus diaboliques dans son antre infernal. Enfin, on en vient connaître le secret magique qui permettra d’anéantir le monstre. Et c’est à VOIS qu’est confiée cette périlleuse mission. Mais saurez-vous libérer le monde de cet abominable fléau, ou viendrez-vous grossir les rangs des victimes de Capon ? Deux dés, un crayon et une gomme sont les seuls accessoires dont vous aurez besoin pour vivre cette aventure. VOUS seul déciderez de la route à suivre, des risques à courir et des créatures à combattre. Bonne chance.
Le clan des Otori – Tome 4
Seize ans ont passé depuis que Takeo a retrouvé Kaede, après tant d’épreuves. Ils ont trois filles l’aînée, la belle Shigeko, promet d’être une héritière digne d’eux, ses cadettes, les jumelles Miki et Maya, ont des talents singuliers. Mais l’harmonie et la prospérité des Trois Pays attirent l’attention de l’empereur, réveillent la convoitise et les haines enfouies. La Tribu n’a pas renoncé à sa vengeance, les étrangers arrivent avec leur religion et leurs armes à feu et le fils caché de Takeo, que la prophétie désigne comme artisan de sa mort, a grandi. Le drame qui se noue va emporter Takeo et les siens dans un terrible ouragan de violence et de souffrance… Après Le Silence du Rossignol, Les Neiges de l’exil et La Clarté de la lune, découvrez le destin de Takeo et Kaede dans ce quatrième tome qui clôt la saga du clan des Otori.
Le clan des Otori – Tome 3
Tu conquerras la paix en cinq batailles : quatre victoires et une défaite. Takeo parviendra-t-il à apporter la paix sur les Trois Pays comme l’annonce la prophétie ? Apres leur union secrète au temple de Terayama, Takeo et Kaede sont plus résolus que jamais à prendre possession de leur héritage et venger sire Shigeru. Tandis que le jeune homme tente de rallier à sa cause le pirate Fumio Terada, Kaede est victime d’un chantage diabolique Lorsqu’enfin la lune se lève sur la dernière et terrible bataille, l’issue est plus que jamais incertaine. La Clarté de la Lune clôt magistralement la puissante et captivante épopée de Takeo et Kaede.
Les chemins de l’éducation
Éduquer, tâche impossible ? Sans doute, si on entend par « éducation » un ensemble de règles dont l’application façonnerait l’enfant. Éduquer n’est pas un savoir-faire. Être parents n’est pas un métier. La plus précieuse des interventions de Françoise Dolto auprès du grand public – à la radio ou dans la presse écrite – est précisément de restituer à la relation parent-enfant sa dimension naturelle et spontanée.
Théâtre complet – Tome II
La puissance comique de l'œuvre d'Aristophane, seul vestige de l'ancienne comédie athénienne, et l'éternelle actualité des thèmes de ses pièces (critique de la guerre et des «marchands de canons», satire du monde politique et de ses démagogues…) ont fait admettre depuis longtemps son théâtre parmi les chefs-d'œuvre ; mais encore faut-il pouvoir lire Aristophane. Cette nouvelle traduction des onze pièces qui nous restent de lui, très fidèle à la lettre même du texte grec, respecte aussi leur forte inscription dans la vie quotidienne athénienne, en évitant autant que possible les transpositions trop faciles.
Théâtre complet – Tome I
Ce recueil contient les pièces suivantes:
1 – AMPHITRYON
L'intrigue se déroule en Grèce, à Thèbes, où Amphitryon est à la tête d'une armée. Jupiter décide de prendre son apparence pour séduire son épouse, Alcmène. Il est pour ce faire secondé par Mercure, qui a pris les traits de Sosie, l'esclave d'Amphitryon et Alcmène.
2 – LA COMÉDIE DES ÂNES
Un vieillard, qui a un fils amoureux, voudrait bien aider celui-ci de son argent, mais il est soumis au pouvoir absolu de son épouse; aussi a-t-il fait verser à son esclave favori, Léonidas, l'argent que l'on avait porté à Sauréa, pour payer des ânes.
La théorie des nuages
Il est question de nuages et Virginie Latour commence à comprendre. Elle comprend qu’au début du dix-neuvième siècle quelques hommes anonymes et muets, disséminés dans toute l’Europe, ont levé les yeux vers le ciel. Ils ont regardé les nuages avec attention, avec respect même ; et, avec une sorte de piété tranquille, ils les ont aimés. Akira Kumo est un couturier japonais. Il collectionne les livres consacrés aux nuages. Pour classer sa bibliothèque, il engage Virginie Latour, une jeune femme, à qui il raconte des histoires de chasseurs de nuages. Celle de Luke Howard qui inventa leurs noms, celle de Richard Abercrombie qui fit le tour du monde pour voir s’ils étaient partout identiques, d’autres encore, aussi surprenantes que le jeu des nuées.
Plus jamais seul
Premières vacances pour Mc Cash et sa fille, Alice. L’ex-flic borgne à l’humour grinçant – personnage à la fois désenchanté et désinvolte mais consciencieusement autodestructeur – en profite pour faire l’apprentissage tardif de la paternité. Malgré sa bonne volonté, force est de constater qu’il a une approche très personnelle de cette responsabilité. Pour ne rien arranger, l’ancien limier apprend le décès de son vieux pote Marco, avocat déglingué et navigateur émérite, heurté par un cargo en pleine mer. Pour Mc Cash, l’erreur de navigation est inconcevable. Mais comment concilier activités familiales et enquête à risque sur la mort brutale de son ami?
Le banal amour
Paul et Anna s’aiment, dans la chasteté, luttant contre le désir, dans la proximité, unis comme frère et sœur, et dans l’éloignement, l’exaltation de l’attente, dans le mariage, ennemis ou amants. Ils s’aiment si fort, jusqu’à la mort, si fort qu’ilspeuvent croire qu’ils sont nés l’un près de l’autre. C’est un amour si simple, quotidien, si rare. C’est l’amour de chacun, le banal amour – c’est un amour exceptionnel.
Le siècle des nuages
« Ils descendaient depuis l’azur, laissant vers le bas grossir la forme de leur fuselage, traçant doucement leur trait au travers des nuages. Le vrombissement des quatre moteurs, juchés sur le sommet des ailes, enflait, vibrant dans le vide, résonnant jusqu’à terre. Leur ventre touchait enfin la surface de l’eau, projetant à droite et à gauche un panache puissant qui retombait en écume, bousculant tout avec des remous épais qui dérangeaient les barques amarrées et remontaient haut sur le bord des berges.
C’était l’été sans doute. Les vacances étaient déjà commencées. Il avait couché son vélo dans l’herbe toute brûlée par la chaleur du soleil. Peut-être attendait-il allongé sur le sol ou bien se tenait-il assis sur un ponton, les jambes se balançant au-dessus du courant très lent. À perte de vue, le grand ciel bleu du beau temps recouvrait le monde. Il regardait descendre vers lui le signe en forme de croix de la carlingue et des ailes. Lorsque l’avion heurtait l’eau, le choc le ralentissait net. Forant dans le fleuve une tranchée immatérielle, il creusait son sillage entre les rives, rebondissant formidablement d’avant en arrière, basculant sur l’un et puis l’autre de ses flancs, oscillant sur ses deux flotteurs jusqu’à ce qu’il s’arrête enfin : rond avec son ventre vaste comme celui d’une baleine, inexplicable parmi les péniches et les navires de plaisance, immobile comme un paquebot étrange mouillant au beau milieu des terres. »
Partage de midi
Partage de midi est un drame en trois actes de Paul Claudel, écrit pour trois puis quatre personnages en 1905, créé dans une version modifiée le 16 décembre 1948 au théâtre Marigny par la compagnie Renaud-Barrault sous la direction de Simone Volterra. Claudel en modifiera la fin en 1949.
Le drame est selon Claudel l’« histoire un peu arrangée de l’aventure amoureuse » qu’il a vécue de 1900 à 1905 avec Rosalie Vetch. L’auteur saisit l’occasion de récrire une des parties les plus intenses de sa vie1. Dans cette pièce parmi les plus célèbres de Claudel, un homme aime une femme improbable alors que celle-ci imagine quitter son mari pour un autre homme. Tous deux ont connu un échec et se rendent en Chine en espérant prendre un nouveau départ. L’ensemble de la pièce forge un tableau emblématique où la religion articule les personnages dans une quête d’absolu.
Ecrire pour quelqu’un
L’inexprimable bonheur de l’enfance, celle-ci sublimée peut-être, avec l’immense bonté qu’eurent mes parents pour moi, c’est ce bonheur trop lourd à surmonter dans le souvenir laissé qui, par les trouées du temps pour peu que je m’y plonge, me sert de patrie. L’apaisement des sanglots rend l’ancienne douceur. Elle allège le sentiment d’exil éprouvé, comme en pension autrefois, quoique d’un poids beaucoup moins grave, et par intermittence. Elle renaît pour quelques instants, cette douceur dont on sanglote, épanchant son baume sur une journée entière avant de s’évanouir avec le sommeil. C’est un fantôme qui revient, mais un fantôme bienveillant, sans linceul, tout sourire. Néanmoins, le sommeil ouvre des brèches. Dans En marge des nuits, J.-B. Pontalis, chez qui perçait une inquiétude aiguë à l’égard de l’éphémère, note que « le rêve est mémoire, résurrection, par bribes, du passé il nie l’effacement, l’irréversibilité du temps, conjure l’oubli des morts ». Les sanglots sont comme les rêves, une permanence de la mémoire, conjurant l’oubli des morts. On apprend cela quand on grandit.» Jean-Michel Delacomptée.
Révolutions
Itinéraire d’un garçon pris dans les affres de l’histoire… Tel est l’objet de cet époustouflant roman de Le Clézio, Révolutions, qui n’est pas sans laisser penser aux œuvres de John Dos Passos. Ici, les aventures d’un jeune homme sont celles de Jean Marro, de nationalité britannique mais français, né à Ipoh en Malaisie, ayant fait ses premiers pas sur l’île Maurice, et grandissant dans une petite ville de la Côte d’Azur, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Son enfance et son adolescence, illuminées par les récits chaleureux et nostalgiques de sa tante, tout imprégnés d’ambiances mauriciennes, s’accompagnent des soubresauts politiques traversant le monde, des souvenirs de la Grande Guerre de 14, aux guerres d’Indochine puis d’Algérie. Un temps de décolonisation, d’indépendances ici et là, de révolutions. Un temps qui se double d’un autre (raconté sous la forme d’un journal intime), celui de ces premiers émigrants, partis de Bretagne en 1792, enrôlé dans l’armée révolutionnaire avant de s’installer sur les rives de l’île de France, devenue plus tard l’île Maurice. De ces Bretons au bout du monde à Jean Marro, il pourrait n’y avoir qu’un fil tendu. Affaire de filiation, de quête des origines aussi. Entre descendance et génération se correspondent destins, noms et lieux, de bonds en rebonds, d’échos en ricochets. Voilà tout le récit polyphonique, de héros de fiction, de personnages, de souvenirs, d’anecdotes, entrelardé d’airs de Luis Mariano, cependant que sur les écrans défilent Clark Gable et James Dean, les films de Fellini et d’Antonioni… Dans Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Le Clézio avait déjà introduit des portraits dans une histoire de civilisation.
A défaut de génie
J’ai essayé d’avoir pour moi, à défaut d’admiration, une tolérance bougonne », déclare François Nourissier. On ne saurait être plus proche et plus intransigeant avec soi-même. La sentence peut paraître exagérée de la part de cet homme de lettres qui a obtenu ce que l’on peut espérer de mieux dans ce milieu : la gloire et la reconnaissance. Écrivain à succès depuis plus de trente ans, critique avisé, membre de l’Académie, à soixante ans passés, Nourissier n’aurait plus rien à attendre du monde des lettres. Il a déjà tout eu. C’est un des rares enfants chéris du milieu. Et pourtant, il n’a jamais autant écrit. Il bouillonne d’insatisfaction. Loin de la retranscription chronologique, de l’approche systémique ou du règlement de compte aigri. À défaut de génie est un modèle d’autobiographie en liberté. Comme pour Montaigne, l’exercice autobiographique n’a de sens pour Nourissier que si l’on devient soi-même « la matière de son livre. Il y parvient. –Denis Gombert
L’imparfait du présent
Le livre est un journal, organisé par date. L’auteur passe d’un sujet à l’autre sans raccord, ni transition. Les textes sont brefs et très lisibles et ne requièrent pas de formation philosophique particulière.
Les thèmes abordés sont ceux que l’on connaît de ses sujets de préoccupation récents : l’éducation, l’école, la dénonciation du jeunisme des circulaires administratives et ministérielles : Israël et les implantations, le sionisme et les questions relatives à la judéité. S’y trouvent également de nombreuses réactions à l’écho de ses articles ou ses réactions face à la violence de l’histoire contemporaine.
La petite chartreuse
Sous une pluie froide de novembre, la camionnette du libraire Étienne Vollard heurte de plein fouet une petite fille en anorak rouge qui, affolée, courait droit devant elle après avoir vainement attendu sa mère, jeune femme fuyante et transparente. Désormais, cet homme va devoir vivre avec les conséquences de l’accident. Affublé d’une paternité d’emprunt, Vollard, jusque-là introverti et solitaire, commence à réciter à l’enfant plongée dans le coma des textes littéraires contenus dans sa mémoire fabuleuse. Lorsque l’enfant s’éveille, elle a perdu l’usage de la parole. Alors, fuyant ses insomnies et ses angoisses anciennes, le libraire emmène Éva marcher dans les paysages de la Grande Chartreuse, lieu sauvage et splendide où vivent des moines qui ont fait vœu de silence. Un gros homme, encombré de lui-même, une mère bien trop jeune, et une fillette précocement fracassée par la vie forment un étrange trio : le triangle des solitudes. Le narrateur de cette histoire, témoin de l’enfance et de la jeunesse de Vollard, exprime sa fascination pour ce libraire inoubliable. Mais ce roman-conte est aussi un hymne inoubliable à la littérature, une méditation sur le fragile pouvoir des livres.
A ce soir
Au moment de prendre le bain, j’ai enlevé ma montre, une montre offerte par l’homme que j’aime et où l’artiste a inscrit sur le cadran, en demi-cercle, À ce soir. J’ai constaté que le cadran était totalement embué. On dit que la peur crée des sécrétions toxiques. À ce soir était comme effacé. La date, elle, était bien visible. Treize juillet. Dix-sept ans après la mort de Rémi. Le texte qui suit s’est imposé à moi juste après. Il a surgi de la nuit.
L’argent
Quelle nuit cette nuit – En quelle terre élue – Arbre bruissant de vols notre sceptre – Lune auréolée de vent notre couronne – Exil d’une seule nuit – Notre plus long règne. Elle me fit passer un papier sous la table. Je descendis aux toilettes, je lus. C’était écrit au crayon à paupières, sur un demi Kleenex. Cinq cents francs, et je viens vous retrouver. Si OK, sortez vite. Je remontai, mis mon écharpe, saluai l’assistance et sortis. Minuit. On était en novembre. Il faisait un froid vif, agréable. Cinq minutes. La jeune fille sortit à son tour. Elle me vit et se dirigea vers moi. Elle était grande, étroite d’épaules, mais robuste. Sous son bras gauche replié, elle tenait une pochette de vernis noir. Elle venait d’un grand pas souple, balançant l’autre bras, sans se hâter. Cinq cents francs, pensai-je, le prix d’un plein d’essence, on peut acheter cette chose vivante pour cinq cents francs.
Chagrin d’école
Donc, j’étais un mauvais élève. Chaque soir de mon enfance, je rentrais à la maison poursuivi par l’école. Mes carnets disaient la réprobation de mes maîtres. Quand je n’étais pas le dernier de ma classe, c’est que j’en étais l’avant-dernier. (Champagne !) Fermé à l’arithmétique d’abord, aux mathématiques ensuite, profondément dysorthographique, rétif à la mémorisation des dates et à la localisation des lieux géographiques, inapte à l’apprentissage des langues étrangères, réputé paresseux (leçons non apprises, travail non fait), je rapportais à la maison des résultats pitoyables que ne rachetaient ni la musique, ni le sport, ni d’ailleurs aucune activité parascolaire. » Dans la lignée de Comme un roman, Chagrin d’école est donc un livre qui concerne l’école. Non pas l’école qui change dans la société qui change, mais, au cœur de cet incessant bouleversement, sur ce qui ne change pas, justement, sur une permanence dont je n’entends jamais parler : la douleur partagée du cancre, des parents et des professeurs, l’interaction de ces chagrins d’école. Daniel Pennac entremêle ainsi souvenirs autobiographiques et réflexions sur la pédagogie et les dysfonctionnements de l’institution scolaire, sur la douleur d’être cancre et la soif d’apprendre, sur le sentiment d’exclusion et l’amour de l’enseignement. Entre humour et tendresse, analyse critique et formules allant droit au but, il offre ici une brillante et savoureuse leçon d’intelligence. Ce Chagrin d’école s’impose déjà comme un livre indispensable.