Le nom de l’arbre
Dans l’enfance, entre un grand-père tout-puissant et une mère possessive, Louis Quien a tenté de se frayer un chemin. Mais de quels souvenirs, de quels mensonges, de quels imaginaires a-t-il finalement hérité pour construire le présent si fragile qu’il interpelle aujourd’hui ? Comme s’il était étranger à lui-même, Louis Quien se traque, se dévoile et, dans le maquis de sa mémoire, il cherche les grands absents de sa vie : son père prisonnier et Juliette, l’absolu féminin, déportée, et si vite effacée. Ainsi s’impose à lui, au-delà des misères de l’Occupation, des espérances et des vengeances de l’après-guerre, la recherche de l’arbre dont les racines descendent si profond et dont nous aimerions tant retrouver le nom. Tout en traversant l’histoire tourmentée de la Belgique des années trente aux années soixante, ce foisonnant roman révèle le pouvoir des mots et de la fiction dans la remémoration. A travers un jeu de miroirs, où le moi s’éparpille et se reconstruit sans fin, Hubert Nyssen mettait déjà en place, dans ce premier roman, les éléments constitutifs de son œuvre : cette ample quête du passé, et surtout cette fête de l’imaginaire que sans cesse célèbre la multitude de poupées gigognes que chacun porte en soi.
Carrière faite à Paris dans l’édition, Paul Leleu s’est retiré dans un village, entre caps Gris-Nez et Blanc-Nez. Et là, se manifeste bientôt à lui le besoin de remonter le temps pour poser à des spectres de son passé des questions qui sont restées sans réponse, et surtout pour tenter de comprendre l’inexorable écart qui sépare désormais le désir et la fiction du désir. Il s’accorde douze mois pour écrire à une femme, qui peut-être ne le lira jamais, une épître dans laquelle il s’interroge sur le sens de sa vie et le rôle des personnages qui l’ont traversée. Mais à aucun moment les pages de cette épître ne sont livrées au lecteur, elles demeurent en filigrane. En revanche, on découvre Leleu se préparant à les écrire, les écrivant, ressuscitant les femmes, les écrivains, les traducteurs, les éditeurs qu’il a fréquentés, renonçant parfois puis s’y remettant avec les élans, les illusions, les fureurs ou la méfiance, et toujours la passion que lui inspirent les mystificateurs hors pair que sont la mémoire, le rêve et l’imagination.