Nouilles froides à Pyongyang
Nul n’entre ni ne sort de Corée du Nord, le pays le plus secret de la planète. Et pourtant, flanqué de son ami Clorinde, qui affectionne davantage Valéry Larbaud que les voyages modernes, et déguisé en vrai-faux représentant d’une agence de tourisme, notre écrivain nous emmène cette fois sur un ton décalé au pays des Kim. Au programme : défilés et cérémonies, propagande tous azimuts, bains de boue et fermes modèles, mais aussi errances campagnardes et crises de mélancolie sur les fleuves et sur les lacs, bref l’endroit autant que l’envers de ce pays clos mais fissuré. Un journal de voyage, attentif mais distant, amusé parfois, jamais dupe, dans ce royaume énigmatique dont un diplomate américain affirmait récemment que l’on en savait moins sur lui que sur… nos galaxies lointaines.
Mes pas vont ailleurs
Mai 1919. Victor Segalen est retrouvé mort, couché dans un petit bois, au cœur du Finistère. Partant du mystère qui entoure la mort de Segalen, suicide ? accident ?, Jean-Luc Coatalem suit les empreintes de l’écrivain-voyageur, breton, comme lui, Brestois, aussi. Militaire, marin et poète, auteur d’une œuvre labyrinthique que, de son vivant, personne n’aura soupçonnée. En 1903, Segalen pélerine sur les traces de Gauguin, aux îles Marquises. En 1905, à Djibouti, sur celles de Rimbaud. En 1909, il traverse la Chine, en jonque, en train et à cheval, et il recommencera. En 1910, il se risque dans le dédale de la Cité interdite de Pékin, derrière un séduisant jeune homme, espion et amant de l’impératrice. Puis il réside seul à Hanoi, rêve au Tibet, et achète son opium. Il meurt à quarante et un ans, dans la forêt légendaire du Huelgoat, un Shakespeare à la main, la jambe entaillée, au-dessus d’un Gouffre, loin de son épouse et de cette autre femme qu’il aime. Revisitant l’œuvre de Segalen, les lettres à ses deux amours, ses nombreux voyages, Coatalem fait apparaître les résonances, nombreuses, la complicité littéraire et l’écrivain compagnon, composant par ces prismes mêlés, le roman de sa vie, au plus près d’un Segalen vivant et vibrant.
C’est le cliché sépia d’une Anglo-Polynésienne, acheté aux enchères par l’auteur, qui le pousse à partir, soudain, sur les traces de Paul Gauguin. Qui était cette jolie vahiné ? Et surtout pour quelle raison l’artiste peignit-il le visage cireux de son fils, Aristide, dit Atiti, le jour de sa mort à Papeete ? Quelle blessure intime ce tableau ravive-t-il chez Jean-Luc Coatalem ? Commence alors une traque, minutieuse mais fulgurante, où l’on comprendra que Gauguin, « Inca » halluciné, « Péruvien à la bourse plate », fuit la réalité pour se trouver lui-même, renverse tous les clichés sur l’exotisme, à en perdre la raison, jusqu’au fonds du puits du Jouir. Voici une enquête, spirituelle, humaine, géographique. Un voyage au long cours en Bretagne, Hollande, Danemark, Panama, Martinique, Tahiti, et les lointaines mers du Sud, avec pour compagnons les peintres, les créanciers, les marchands du culte, les vahinés, l’océan, et au bout la solitude. Quel est le vrai Gauguin ? Un affairiste courant après la vente ? Un égoïste pourtant père de famille, abandonnant ses cinq enfants à Copenhague ? Un mystique réconcilié avec lui-même, peintre apaisé, dont la main fut guidée par les dieux maoris ? Un morphinomane des îles Marquises ? « Où irons-nous demain, nous qui désirons sans fin ? »