Jean-Godefroy Bidima
La palabre : Une juridiction de la parole
Jean-Godefroy Bidima nous propose ici d’envisager l’espace public via la pratique de la palabre. Pour ce faire, il nous faut d’abord cesser de croire en la résolution possible de tous les conflits. Pour Bidima, placer la palabre comme clef de voûte de l’institution politique, c’est l’envisager au sens “agonistique” (agôn : la lutte en grec). Il s’agira donc d’une palabre engagée dans la prise en charge des différends. Il nous faudra par ailleurs renoncer au mythe de l’unité nationale, toujours imposée par la violence. Sortir de la perpétuelle référence à une figure transcendante de l’unité reviendrait à mettre en péril des idéaux omniprésents : ceux de nation, de nature consensuelle des sociétés traditionnelles en Afrique ou d’irréfutabilité des valeurs religieuses. Pour faire advenir et exister la conscience de l’altérité dans la pratique politique, il faut envisager “le soi” comme divisé. Briser l’homogénéité d’une personnalité qui se représente à elle-même au travers de fictions telles que les concepts d’autonomie et d’atemporalité. Ainsi pourrons-nous, peut-être, sortir de ce que Bidima nomme la “victimologie” sous-jacente aux discours identitaires. Discours d’ordre économique (obsession d’une reconnaissance par les pays du Nord qui passe par la soumission aux modèles qu’ils imposent), intellectuel (la “négritude” comme figure inversée du complexe inoculé par le colonialisme) ou politique (l’incapacité d’aborder la question de l’espace public en dehors d’une réflexion logique sur le fonctionnement des institutions). Pourtant Bidima se réfère à la tradition philosophique occidentale. Il cite Aristote, Kant, Foucault, Ricoeur…et nourrit son ppos de récents travaux sociologiques et anthropologiques sur l’Afrique qui montrent la richesse des pratiques africaines dans le domaine juridique. Position ambitieuse ? Paradoxale ? On peut lire dans l’introduction de cette “Palabre” : “Ceux qui ont trop magnifié le droit en reviennent à la médiation informelle, tandis que ceux qui la pratiquaient spontanément dans leur propre tradition veulent tout codifier par un droit rigide d’importation : ainsi va le monde”.

