Jean Marabini
La vie quotidienne en Russie sous la révolution d’Octobre
Tout a été dit sur le déroulement et les hommes de la révolution russe et rien sur leur vie quotidienne. Entre l’assassinat de Raspoutine, l’abdication du tsar au début de 1917 et l’insurrection d’octobre, se déroulant parmi les canonniers ivres, des demoiselles de téléphone qui s’évanouissent, comment vivent les gens ? Que pensent-ils ? Que disent-ils ? Quels sont leurs attitudes, leurs moeurs, leurs amours, leurs loisirs, leurs faims, leurs rêves ? Il fallait un jour aborder ces évènements trop longtemps « sacralisés » par l’amour ou l haine, avec un oeil neuf, s’attarder au « jeu » du populaire plus qu’à sa « mission », s’attacher davantage au « théâtre de la rue » qu’aux influences des émigrés, se rapporter à la magie des mots plus qu’à la politique chez un peuple longtemps opprimé, encore analphabète à 80%. Ainsi, tandis que Kerenski se fait porter comme un pape au-dessus de la foule, la naïveté des petites gens, qui se voient bientôt libérés de la guerre et de la misère, explose en mille manifestations inédites : « stock-car » gigantesque, chasse aux prétendus tireurs de toits, banquets où l’on mange « gras », parades égalitaires précédées d’ »Egéries » et de « Libertés éclairant le monde » !… Mais Lénine survient ! Dès lors, le bref été d’une Russie bourgeoise va être effacé par le mécanisme implacable, mis au point par une petite équipe, dirigée par un homme génial réclamant la « paix immédiate », la « terre aux paysans », « le pouvoir aux soviets ». Ce seront maintenant les terribles labours de l’hiver 1917-1918, de gigantesques explosions d’idées, des cohortes de gens affamés de pain et d’espoir qui vont bientôt écouter Maïakovski leur crier : « Nous sommes ceux que la nuit phtisique a vomis. »