Jean-Claude Pomonti
L’Afrique trahie
Pour les Africains, aujourd’hui, l’Afrique est à prendre. Les constructions actuelles, mises en place avec l’indépendance, leur demeurent pour l’essentiel étrangères. Si certains dirigeants paraissent s’en accommoder, les populations, elles, demeurent frustrées et se rebellent. Car un Africain est un rebelle tant que ce qu’on lui propose n’a pas de sens à ses yeux, tant qu’il ne voit pas une lumière au bout de son tunnel. De là un immense désordre, et un néant idéologique qui commence à peine à se défaire. De là aussi une quête de tous les instants, incertaine, souvent courageuse, parfois, vue d’Europe, incompréhensible. L’espoir qu’avait fait naître, dans les années 60, l’accession à l’indépendance, a-t-il été trahi ?
Le livre s’ouvre avec les indépendances : Kaunda, Nyerere, Lumumba, Nkrumah, Sekou Touré, tous à la recherche d’une société où la tradition s’incarnerait dans un socialisme d’âge d’or. Dix ans plus tard les premiers rôles appartiennent à la C.I.A., à Mobutu ; et l’apartheid se poursuit. La parole n’a pas agi sur le cours de l’histoire. Jean-Claude Pomonti laisse écrivains et penseurs africains expliquer ce détournement : Henry Odera, philosophe kenyan : « On présente comme ”démocratie africaine” ce qui, dans tous les cas, est une dictature et l’on attend de la culture blanche qu’elle admette qu’il en est ainsi. Et ce qui est de toute évidence un processus actif de sous-développement (de-développement) ou un pseudo-développement est décrit comme le développement ; et de nouveau le monde blanc est invité à admettre que c’est du développement mais, naturellement, un ”développement africain”. »