Jean Piat
Le dîner de Londres
Deux êtres se rencontrent en 1956 à Budapest, lors de l’insurrection en Hongrie contre le régime d’alors. Ils vivent deux semaines d’amour fou, dans le danger, la violence, la ville en flammes. La vie les sépare. Puis ils se retrouvent… Et cela dure deux ans… Le hasard les réunit vingt-cinq ans plus tard à Londres. Ils dînent ensemble. Même si le temps laisse des traces, ils ne vont plus se quitter pendant… cinq jours, entre un jeudi et un lundi d’octobre 1988. Pendant ce dîner, ils redécouvrent leur humour, leurs agacements, leur violence, et leur tendresse aussi. Ils arrivent même à oublier leurs griefs pour laisser place à l’indulgence et au pardon. Mais des blessures sont là, néanmoins. Peuvent-elles se cicatriser totalement ?
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Celestino Marcilla, Madrilène de famille bourgeoise, a milité à gauche pendant les années qui précédèrent la guerre civile, puis combattu avec une bravoure remarquée dans les milices, puis s'est réfugié en France au moment de la défaite de 1939. Alors une fille – son unique enfant – lui est née, Pascualita, et sa femme est morte. Celestino a emmené sa fille avec lui à Paris, qu'il n'a pas quitté depuis. En 1959, elle a vingt ans, et il en a soixante-sept. Celestino, à Paris, vit de ses rentes, qui lui donnent une certaine aisance. Il ne fait rien, que penser ou rêver politique, passant ses journées à lire et à annoter des journaux et des livres, à écrire des articles de politique ou de sociologie qui sont refusés partout, et un ouvrage qui n'avance pas – au côté de Pascualita, qui n'a qu'indifférence et dédain pour les préoccupations ou plutôt l'obsession de son père.
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Tout en contournant le récif du Panthéon, je ruminais une question que je devais me poser mille et mille fois par la suite, une question que je sentais déjà familière à toutes mes fibres : « Allons! Qu'est-ce qu'il' y a encore? Qu'a-t-il encore inventé? » Oui, telle était la question qui, plus ou moins bien formulée, s'élevait du fond de mon coeur quand je voyais maman serrer les lèvres jusqu'à les vider de toute cou-leur, ou quand papa préludait en public à quelqu'une de ces colères théâtrales qui avaient fait, qui faisaient encore la terreur du clan.
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