François Taillandier
Benoit ou les contemporains obscurs
« Benoît, je vois tellement comment va se passer notre histoire que c’est comme si elle était déjà passée… Regarde les gens, autour de nous : c’est toujours pareil… On est très fiers parce qu’on est la nouvelle génération, n’est-ce pas, la nouvelle France. Les nanas consomment leurs pilules, couchent ici et là, après quoi, au lieu de se marier comme Papa Maman, on vit ensemble, en se jugeant très supérieurs… Et on est très libérés, sportifs, on fait bien l’amour, on a des loisirs intelligents et culturels ! Et on s’ennuie, Benoît… Les coucheries, les couples qui tiennent deux ans, et on recommence un peu plus loin… Et on se croit libres ! Je ne parviens pas à trouver tout cela passionnant, Benoît. Je trouve ça d’une platitude écœurante. À quoi ça mène, dis-le-moi ? À frissonner de peur, la nuit, parce qu’on a déjà atteint la trentaine, parce qu’on est déjà un peu moins frais et rose… Benoît, tant pis si je te fais sourire : il m’arrive de me dire que l’homme que j’aimerais rencontrer, c’est le chevalier Lancelot ».