Jean-Michel Delacomptée
Ecrire pour quelqu’un
L’inexprimable bonheur de l’enfance, celle-ci sublimée peut-être, avec l’immense bonté qu’eurent mes parents pour moi, c’est ce bonheur trop lourd à surmonter dans le souvenir laissé qui, par les trouées du temps pour peu que je m’y plonge, me sert de patrie. L’apaisement des sanglots rend l’ancienne douceur. Elle allège le sentiment d’exil éprouvé, comme en pension autrefois, quoique d’un poids beaucoup moins grave, et par intermittence. Elle renaît pour quelques instants, cette douceur dont on sanglote, épanchant son baume sur une journée entière avant de s’évanouir avec le sommeil. C’est un fantôme qui revient, mais un fantôme bienveillant, sans linceul, tout sourire. Néanmoins, le sommeil ouvre des brèches. Dans En marge des nuits, J.-B. Pontalis, chez qui perçait une inquiétude aiguë à l’égard de l’éphémère, note que « le rêve est mémoire, résurrection, par bribes, du passé il nie l’effacement, l’irréversibilité du temps, conjure l’oubli des morts ». Les sanglots sont comme les rêves, une permanence de la mémoire, conjurant l’oubli des morts. On apprend cela quand on grandit.» Jean-Michel Delacomptée.