André Schwarz-Bart
Le dernier des justes
Selon une antique tradition talmudique, le salut du monde repose sur trente-six justes, les Lamed-waf, en qui se cristallise la souffrance humaine. Rien ne les distingue des autres hommes; ils s’ignorent souvent eux-mêmes mais, sans eux, l’humanité étoufferait de douleur. Or la légende veut que Dieu ait accordé au rabbin Yom Tov Lévy la grâce de faire naître un juste par génération dans sa descendance. Ceci se passait au Moyen Age que d’aucuns nomment Age des Ténèbres et qui fut aussi celui des clartés sinistres projetées par les bûchers de l’Inquisition. Les siècles suivants, bien qu’appelés siècles de lumière, ne lui cédèrent en rien sur ce point-là et, justes ou non, les descendants du rabbin connurent plus que leur lot de persécutions qui les ont obligés à fuir à travers l’Europe en quête d’un havre de paix.
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Traduits dans le monde entier, Les Rois maudits ont remporté un succès exceptionnel et sont considérés comme un des modèles contemporains du roman historique.
Faisant suite au Roi de fer, La Reine étranglée commence au lendemain même de la mort de Philippe le Bel. Un prince de faible caractère, Louis X le Hutin, dont l’épouse, Marguerite de Bourgogne, est emprisonnée pour adultère, succède à un monarque exceptionnel.
Tandis que la Chrétienté attend un pape et que le peuple meurt de faim, les rivalités, les intrigues, les complots vont déchirer la cour de France et conduire barons, prélats, banquiers, et le roi lui-même, au fond d’une impasse dont ils ne pourront sortir que par le crime.
Le jardin des bêtes sauvages
Tout en contournant le récif du Panthéon, je ruminais une question que je devais me poser mille et mille fois par la suite, une question que je sentais déjà familière à toutes mes fibres : « Allons! Qu'est-ce qu'il' y a encore? Qu'a-t-il encore inventé? » Oui, telle était la question qui, plus ou moins bien formulée, s'élevait du fond de mon coeur quand je voyais maman serrer les lèvres jusqu'à les vider de toute cou-leur, ou quand papa préludait en public à quelqu'une de ces colères théâtrales qui avaient fait, qui faisaient encore la terreur du clan.
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Parvenu à l'heure des bilans, le narrateur, directeur d'hôpital, se souvient que, trente ans auparavant, on avait exhibé devant les étudiants, dans un amphithéâtre déjà vétuste, aujourd'hui disparu, sa mère, presque mourante, un écriteau sur la poitrine. Et d'autres souvenirs reviennent qui font affleurer quelques figures d'Argentins : Gabriel, le kinésithérapeute aveugle, Nicolas, le frère, et même Eva Perón, haranguant du haut d'un tracteur une foule de miséreux. Mais très vite, sur la scène de la mémoire, c'est l'extravagant M. Moralès qui s'impose. Ancien grand couturier, tour à tour avide d'absolu et succombant à l'abjection, il entraîne dans son sillage un cortège d'excentriques. Seul le souvenir de la mère, une femme aux yeux gris, pénétrée de la sagesse des humbles, revient apaiser le tumulte de la mémoire. Et les ombres, enfin, peuvent se dissiper.