Adrien Barrot
L’enseignement mis à mort
On n’a pas idée de ce que peut être aujourd’hui la sidérante solitude des professeurs.
Cette solitude n’a rien à voir avec celle qu’il appartient à l’institution de leur ménager et de leur garantir dans la pratique même de leur enseignement, afin d’en soutenir l’indépendance. Non, il s’agit là d’une chose d’un tout autre ordre, d’un abandon dont les professeurs eux-mêmes n’osent pas sonder les abîmes. » Pourquoi l’enseignement est-il aujourd’hui privé de sa substance ? Pourquoi serait-il interdit de transmettre des connaissances ? Pourquoi est-il tout simplement devenu impossible de conduire ceux qui sont sur les bancs de l’école à penser par eux-mêmes ? Telles sont les questions que pose, avec perplexité, avec lucidité, avec amertume, Adrien Barrot. Ce plaidoyer, écrit dans l’urgence, dit le quotidien d’un métier bafoué et, surtout, appelle à un sursaut immédiat : parce qu’il faut que l’école existe, que les professeurs puissent redevenir des professeurs, et les élèves des élèves.
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« L’auteur voudrait découvrir s’il n’existerait pas, des mots au sens et du langage brut à la pensée, des rapports réguliers et à proprement parler des lois – dont la littérature évidemment tirerait grand profit […] C’est à de telles lois en effet que se réfère ouvertement tout écrivain, sitôt qu’il juge et tranche […] Ainsi les linguistes et métaphysiciens ont-ils soutenu tantôt (avec les Rhétoriqueurs) que la pensée procédait des mots, tantôt (avec les Romantiques et Terroristes) les mots de la pensée – toutes opinions apparemment fondées sur les faits, patientes, savantes, et néanmoins si lâches et contradictoires qu’elles donnent un grand désir de les dépasser. L’art que j’imagine avouerait naïvement que l’on parle, et l’on écrit, pour se faire entendre. Il ajouterait qu’il n’est point d’obstacle à cette communion plus gênant qu’un certain souci des mots. Puis, qu’il est malaisé de persécuter ce souci une fois formé, quand il a pris allure de mythe ; mais qu’il est expédient au contraire de prendre les devants et l’empêcher de naître. »
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