Marie Cardinal
Le passé empiété
Premier acte : une femme de cinquante ans offre à ses deux enfants une moto. Elle les voit, dès le lendemain, écrasés dans un épouvantable accident. Douleur. Horreur. Drame de la culpabilité. Deuxième acte: la même femme – que ses broderies ont rendue célèbre – part d’une maison au bord de la mer ruminer son chagrin. Au fil de sa méditation, d’étranges images venues du fond des âges et du coeur de sa propre mémoire la hantent. C’est son père, mort pourtant depuis longtemps, qui est soudain là, près d’elle, petit enfant du début du siècle cherchant l’aventure dans l’Algérie d’avant-hier. Souvenir. Généalogies. Poème de la filiation. Troisième acte: et puis voilà qu’un beau matin, entre l’évier de la cuisine et le carrelage de la salle de bain, survient Clytemnestre. Oui, la Clytemnestre de la mythologie grecque. La mère d’Iphigénie. La meurtrière d’Agamemnon son mari, qu’assassineront en retour ses propres enfants. Elle dialogue familièrement avec la narratrice. Drame de la responsabilité. Surgissement du mythe. Les dieux sont dans la cuisine. L’une des plus hautes figures de la mémoire occidentale est mêlée à la plus humble quotidienneté.