David Serge
Grundlich
Si un jour tu écrivais cette histoire, tu devrais l’appeler Gründlich. Ce serait un drôle de titre. C’est un mot allemand, pas exactement traduisible. Disons que c’est l’idée de faire le boulot soigneusement, méticuleusement, jusqu’au bout, sans en laisser une miette. Elle aimait tant l’Allemagne. Elle a toujours été gründlich, ta petite fille. Elle t’a aimé gründlich, dès la première nuit. Tu étais si séduisant, dans ton malheur. Ensuite elle a fait le boulot gründlich, rien à redire. Elle t’a raccommodé, elle t’a réconcilié, elle t’a avalé tout entier, comme elle avalait les cerises, avec les noyaux. Si seulement tu avais voulu, elle t’aurait emmené au bout du monde. Et jusqu’en Chine, puisque tu y as rendez-vous, avec le secret de ta vie. Mais, petit juge, c’est loin, la Chine. Et un beau jour, tu le savais bien, elle te plaquerait là, tout seul avec un sac de cerises, dans les riantes avenues de ton joli quartier. Gründlich.