Marcel Proust
A la recherche du temps perdu (tome 2) – A l’ombre des jeunes filles en fleurs
En vacances à Balbec avec sa grand-mère, malade, fatigué, Proust ne peut partager les jeux des jeunes de son âge. Ce que les autres font, lui est totalement interdit en raison de sa santé. Alors, il regarde, suit des yeux les jeunes filles dans les bois et sur la plage, imagine, reconstruit ces visions dans des images extrêmement précises. Proust ressent ses premiers émois, flirte des yeux et fantasme.
« Tout d’un coup, dans le petit chemin creux, je m’arrêtai touché au coeur par un doux souvenir d’enfance : je venais de reconnaître, aux feuilles découpées et brillantes qui s’avançaient sur le seuil, un buisson d’aubépines défleuries, hélas, depuis la fin du printemps. Autour de moi flottait une atmosphère d’anciens mois de Marie, d’après-midi du dimanche, de croyances, d’erreurs oubliées. J’aurais voulu la saisir. Je m’arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l’arbuste. Je leur demandai des nouvelles des fleurs, ces fleurs de l’aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses. « Ces demoiselles sont parties depuis déjà longtemps », me disaient les feuilles. »