Jean Bricmont
Impérialisme humanitaire
Une des caractéristiques du discours dominant, de la droite à la gauche, même en allant assez loin du côté des « extrêmes », est que l’éthique politique est aujourd’hui entièrement dominée par ce qu’on pourrait appeler l’impératif d’ingérence et l’idéologie des droits de l’homme. Le droit d’ingérence (humanitaire) est non seulement très généralement admis, mais il est souvent devenu un « devoir d’ingérence ». Pour l’auteur cette idéologie semble être le principal obstacle à la construction d’un mouvement effectif d’opposition aux guerres impériales. Cette opposition existe évidemment, mais elle est faible et elle est surtout faible sur le plan idéologique, particulièrement parmi ceux qui sont supposés organiser ou diriger le mouvement : les partis de gauche ou d’extrême-gauche, les mouvements pacifistes etc. Comme on essayera de le montrer dans ce livre, tout rapport de domination est en fin de compte militaire et il a toujours besoin d’une idéologie pour se justifier. L’idéologie de notre temps, en tout cas en ce qui concerne la légitimation de la guerre, n’est plus le christianisme, ni la « mission civilisatrice » de la République, mais bien un certain discours sur les droits de l’homme et la démocratie, mêlés à une représentation particulière de la deuxième guerre mondiale.