Madeleine Chapsal
La chair de la robe
A mes yeux d’enfant, ma superbe marraine, Madeleine Vionnet, qui fut la plus grande créatrice de la Haute Couture de l’avant-guerre, ainsi que ma mère, son intime collaboratrice, étaient des sortes de fées. Toutefois, quelles fées laborieuses ! Ces femmes acharnées, qui n’avaient guère de temps pour une autre existence – l’enfant que je fus en a souffert, avant de pouvoir admirer -, se vouaient à un labeur exigeant et sans relâche, mais qui était leur joie et faisait leur orgueil. Elles savaient qu’en fabriquant l’élégance, elles humanisaient la civilisation.Les mains de Vionnet, les mains de Maman ! C’est pour ces mains-là, créatrices incessantes de frivolité – et avec quoi lutte-t-on le mieux contre la mort, sinon avec la frivolité poussée à son extrême ? -, que je raconte ce que fut l’esprit de la Haute Couture.
Aujourd’hui, à travers Yves Saint Laurent, Christian Lacroix, Jean-Louis Scherrer, Pierre Cardin […], cet esprit continue de régner à Paris. Il doit bien y avoir une raison pour que se perpétue chez nous, en dépit de tout, aussi souveraine et indéracinable, cette passion de l’élégance ?La réponse, nous la connaissons : cette « folie » s’appelle amour. L’amour de la vie.M.C.