Daniel Pennac
La fée carabine
Si les vieilles dames se mettent à buter les jeunots, si les doyens du troisième âge se shootent comme des collégiens, si les commissaires divisionnaires enseignent le vol à la tire à leurs petits-enfants, et si on prétend que tout ça c’est ma faute, moi, je pose la question : où va-t-on ?’ Ainsi s’interroge Benjamin Malaussène, bouc émissaire professionnel, payé pour endosser nos erreurs à tous, frère de famille élevant les innombrables enfants de sa mère, cœur extensible abritant chez lui les vieillards les plus drogués de la capitale, amant fidèle, ami infaillible, maître affectueux d’un chien épileptique, Benjamin Malaussène, l’innocence même (‘l’innocence m’aime’) et pourtant… pourtant, le coupable idéal pour tous les flics de la capitale.
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Celestino Marcilla, Madrilène de famille bourgeoise, a milité à gauche pendant les années qui précédèrent la guerre civile, puis combattu avec une bravoure remarquée dans les milices, puis s'est réfugié en France au moment de la défaite de 1939. Alors une fille – son unique enfant – lui est née, Pascualita, et sa femme est morte. Celestino a emmené sa fille avec lui à Paris, qu'il n'a pas quitté depuis. En 1959, elle a vingt ans, et il en a soixante-sept. Celestino, à Paris, vit de ses rentes, qui lui donnent une certaine aisance. Il ne fait rien, que penser ou rêver politique, passant ses journées à lire et à annoter des journaux et des livres, à écrire des articles de politique ou de sociologie qui sont refusés partout, et un ouvrage qui n'avance pas – au côté de Pascualita, qui n'a qu'indifférence et dédain pour les préoccupations ou plutôt l'obsession de son père.