Jacqueline Harpman
La plage d’Ostende
« Dès que je le vis, je sus que Léopold Wiesbek m’appartiendrait. J’avais onze ans, il en avait vingt-cinq… » Prise ainsi par une passion que rien n’éteindra, Émilienne devra attendre son heure. Talentueux, beau, aimé des femmes, Léopold fait un mariage d’argent pour pouvoir se consacrer à la peinture. La jeune fille va lentement tisser sa toile, ne reculant devant rien, sacrifiant au passage quelques existences. Des années plus tard, après la mort de son amant, Émilienne, désespérée mais sans remords, demeurera certaine que c’était le prix à payer pour vivre sa passion.
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Celestino Marcilla, Madrilène de famille bourgeoise, a milité à gauche pendant les années qui précédèrent la guerre civile, puis combattu avec une bravoure remarquée dans les milices, puis s'est réfugié en France au moment de la défaite de 1939. Alors une fille – son unique enfant – lui est née, Pascualita, et sa femme est morte. Celestino a emmené sa fille avec lui à Paris, qu'il n'a pas quitté depuis. En 1959, elle a vingt ans, et il en a soixante-sept. Celestino, à Paris, vit de ses rentes, qui lui donnent une certaine aisance. Il ne fait rien, que penser ou rêver politique, passant ses journées à lire et à annoter des journaux et des livres, à écrire des articles de politique ou de sociologie qui sont refusés partout, et un ouvrage qui n'avance pas – au côté de Pascualita, qui n'a qu'indifférence et dédain pour les préoccupations ou plutôt l'obsession de son père.
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De son côté, l’homme du travail est trop accablé, trop malheureux et trop effrayé de l’avenir, pour jouir de la beauté des campagnes et des charmes de la vie rustique. Pour lui aussi les champs dorés, les belles prairies, les animaux superbes, représentent des sacs d’écus dont il n’aura qu’une faible part, insuffisante à ses besoins, et que, pourtant, il faut remplir, chaque année, ces sacs maudits, pour satisfaire le maître et payer le droit de vivre parcimonieusement et misérablement sur son domaine.
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