Nouvelles romaines
Dans Nouvelles romaines, Moravia se mue en conteur, dans le cadre d’une tradition typiquement italienne, et en conteur uniquement livré au plaisir de raconter. Pacifié, il retrouve une connivence foncière avec le petit peuple de Rome, sa patrie profonde et pittoresque, et le lieu d’un certain bonheur d’être, dans une dolce vita qui n’a rien de fellinien.
La désobéissance
« L’infirmière lui prit le menton dans sa main, exactement comme on fait avec les enfants, quand on les interroge sur ce qu’ils désirent, et demanda :
« Ainsi, si je venais cette nuit… cela te ferait plaisir ? »
Luca leva les yeux vers elle et :
« Bien sûr, répondit-il avec simplicité, bien sûr que cela me ferait plaisir. »
Droite et immobile, elle le couvait de ses yeux brillants, de ses yeux si jeunes et si différents des vieilles et froides paupières brûlées par le collyre, à travers lesquelles ils scintillaient. Puis, d’un ton prometteur, magnanime et maternel, elle annonça :
« Eh bien… si vraiment ça te fait plaisir… Je viendrai. » »
L’ennui
Riche bourgeois romain de trente-cinq ans, Dino est un peintre raté. Par désoeuvrement et par curiosité, il devient l’amant de Caecilia, une jeune modèle de dix-sept ans. Cette liaison semble destinée à sombrer dans le gouffre de l’ennui quand soudain tout bascule : Dino est happé par une étrange passion, une fascination pour Caecilia qu’il ne comprend pas. Dans ce roman simple et fort publié en 1960, Alberto Moravia revient à l’un des thèmes centraux de son oeuvre : la crise des rapports de l’homme et de la réalité. Il analyse avec lucidité mais non sans poésie l’incapacité de son personnage à accepter le monde extérieur et à communiquer avec lui.