Portraits exquis
Apulée aux cheveux longs, tombant sur son front ; Catulle si jeune, si provincial et studieux ; Flaubert et sa robe de chambre écarlate, ses reliques, son divan à la turque sur lequel il fumait la pipe en méditant ; Hildegarde de Bingen, qui, à quarante-deux ans, aperçut une lumière venue du ciel qui traversa sa poitrine comme une flamme. Et saint Augustin, Balzac, Freud, Pythagore, Thérèse d’Avila, Voltaire, Zénon…Silvia Ronchey raconte les vies de soixante-cinq hommes et femmes illustres comme si elle les avait connus intimement. Mais quel est leur point commun ? Un secret. Et ce secret n’est révélé qu’à la fin du livre, si bien que chacun des portraits peut être lu comme un très beau récit, une synthèse érudite ou un défi pour le lecteur. S’agit-il de portraits fidèles ? Ils sont plus que fidèles : comme la carapace de la tortue qui, si elle n’épouse pas parfaitement le corps de l’animal, le contient et le révèle, ces récits enveloppent les vies qu’ils relatent, sans coïncider précisément avec elles ; pris, en quelque sorte, à la dérobée, ils les illuminent d’un éclat particulier, leur conférant une fraîcheur nouvelle.
Un parfum de paradis
Pourquoi le corps de Khalil Ahmed Jâber a-t-il été retrouvé, nu, au milieu d’un tas d’ordures, en plein centre de Beyrouth ? Pourquoi ce modeste fonctionnaire avait-il quitté son domicile et disparu trois semaines avant sa mort abominable ? Intrigué par ce fait divers, dérouté par les rumeurs qu’il suscite, un journaliste enquête et rassemble les témoignages. La veuve prend la parole, puis un ingénieur, une concierge, un éboueur, un médecin légiste, un étudiant fedayin racontent chacun à leur tour ce qu’ils ont sur le cœur, que cela ait ou pas un rapport direct avec le crime. Car qui pourrait affirmer qu’une atrocité n’est pas liée à une autre dans une ville où les guerres ne cessent de se succéder ? Avec empathie, tendresse et douleur, Elias Khoury raconte la tragédie d’un peuple et écrit le roman de Beyrouth, ville martyre transformée en décombres sur lesquels plane le souvenir des temps de paix, comme un parfum de paradis.
Eux sur la photo
Une petite annonce dans un journal comme une bouteille à la mer. Hélène cherche la vérité sur sa mère, morte lorsqu’elle avait trois ans. Ses indices: deux noms et une photographie retrouvée dans des papiers de famille, qui montre une jeune femme heureuse et insouciante, entourée de deux hommes qu’Hélène ne connaît pas. Une réponse arrive: Stéphane, un scientifique vivant en Angleterre, a reconnu son père. Commence alors une longue correspondance, parsemée d’indices, d’abord ténus, puis plus troublants. Patiemment, Hélène et Stéphane remontent le temps, dépouillant leurs archives familiales, scrutant des photographies, cherchant dans leur mémoire. Peu à peu, les histoires se recoupent, se répondent, formant un récit différent de ce qu’on leur avait dit. Et leurs découvertes, inattendues, questionnent à leur tour le regard qu’ils portaient sur leur famille, leur enfance, leur propre vie. Avec Eux sur la photo, Hélène Gestern nous livre une magnifique réflexion sur le secret de famille et la mémoire particulière que fixe la photographie. Elle suggère que le dévoilement d’éléments inconnus, la résolution d’énigmes posées par le passé ne suffisent pas: ce qui compte, c’est la manière dont nous les comprenons et dont nous acceptons qu’ils modifient, ou pas, ce que nous sommes.