Les pierres blanches
C’était une de ces nuits de juin à regretter que l’on ait un jour inventé l’électricité. Assise, les genoux repliés sous le menton, Lisa s’imprégnait du silence. Il était si parfait qu’elle percevait le passage de chaque seconde au rythme de la comtoise qui mesurait le temps dans l’entrée. Elle pouvait s’entendre vieillir, et, pour cette fois, cela ne lui déplaisait pas. Elle marchait à reculons dans sa mémoire. Lisa frissonna, il était temps de rentrer, demain le camion de déménagement était prévu pour huit heures. Cette nuit-là, entre veille et cauchemars, assaillie par les images d’une existence chaotique, Lisa parviendra-t-elle à démêler les fils de son histoire et à sauver ce qu’elle croyait avoir irrémédiablement saccagé ? L’amour et la volonté l’emportent-ils jamais sur l’absence et l’abandon ?
Un monde à l’envers
Ce que je raconte dans ces pages est rigoureusement exact. J’espère que vous les aurez lues, que vous ne vous contenterez pas de ce que vous aurez cru en connaître par des citations tronquées ou des comptes rendus fallacieux, ou, pis encore, par ce qu’on sera venu vous en rapporter. » Parfois, l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours finit par se perdre lui-même de vue. Catherine ALLÉGRET
Au non du père
Depuis 1989 une femme a tenu le devant de la scène médiatique en affirmant qu’Yves Montand était le père de sa fille. Que faire lorsque la presse se fait complice des errances de la justice dans une affaire odieuse comme celle que l’on connaît désormais sous l’appellation d’« affaire Drossart » ? Que faire encore lorsque la quête de l’unique vérité biologique vous jette dans l’horreur insoutenable de l’exhumation d’un être cher ? Que faire enfin lorsque le cirque médiatique dresse son chapiteau aux portes d’un cimetière ? Écrire. Écrire pour crier sa colère, sa douleur et son indignation. C’est ce que fait ici Catherine Allégret, fille adoptive d’Ivo Livi dit Yves Montand, pour défendre la mémoire de cet homme qui l’a voulue pour fille.
L’entre deux mères
L’arbre de Judée déployait sur le ciel de mai ses grappes mauves et éphémères… Combien de fois a-t-elle tracé ces mots sur les premières pages du cahier cartonné, entoilé de jute rouge, qui proclame cette formule dont elle n’a jamais bien su l’origine ni la signification : Écrasez l’infâme. Ce matin-là, le bruit de la cloche qui s’agite à la porte du jardin tire Beth de son combat quotidien avec le rien. Elle n’attend personne. Ni aujourd’hui, ni demain, ni plus tard : son existence est parfaitement solitaire. Sous l’arche de pierre, la porte, pivotant sur ses gonds rouillés, découvre un garçon grand, carré, pas très propre. Elle remarque que ses mains tremblent un peu. Elle scrute le visage de cet homme dont le regard lui vrille la mémoire… Qui est là ?