Animal tropical
Agneta, une sage organisatrice de colloques littéraires en Suède, bombarde le narrateur de coups de téléphone, le presse de venir et se montre de plus en suggestive. Le romancier, pour sa part, est engagé jusqu’au cou dans une passion torride avec une voisine métisse, moitié sado-maso, moitié mac-pute, moitié amour fou. Il finit par décrocher son visa pour la Suède, ce qui nous vaut un livre dans le livre, le récit loufoquissime d’un Cubain dans la banlieue de Stockholm, d’un latin lover obsédé par le thermomètre sur le balcon, révulsé par le saumon froid et le thé à toute heure, décidé à initier sexuellement son amphitryonne et protectrice, dégoûté par les obsessions suicidaires et hygiénistes de l’Occident puritain, et qui finira par repartir à toutes jambes vers sa Gloria, sa putain mulâtresse, femme puissance cent, la vraie gloire. Deux portraits formidables de femmes, archétypiques certes (La Suédoise, La Cubaine) mais qui ne basculent jamais dans la caricature ou l’exotisme facile. Agneta et Gloria sont aussi horripilantes et sublimes l’une que l’autre, à leur manière, et Gutiérrez l’écrivain fait des étincelles dans les dialogues avec ces deux « nanas » si opposées et si femmes.
Castro est mort
Pourquoi va-t-on à Cuba ? Pour le soleil ? Le rhum ? Les Chevrolet d’époque ? Pour la magie de la salsa et de la rumba ? Pour la barbe de Fidel et le cigare du Che ? Sans doute un peu pour tout ça, et le narrateur de ce livre n’échappe pas à la règle. Lorsque son avion atterrit à l’aéroport José Marti, la température extérieure est de 27°C, c’est le printemps, et il pense bien poser le pied au Paradis. Au même moment pourtant, La Havane est le théâtre d’une importante répression policière. Des dizaines de dissidents sont arrêtés, mis au secret et en moins d’une semaine condamnés à de très lourdes peines de prison. Parmi eux, Juan Valero, qui après avoir été l’un des fils adulés de la Révolution, est peu à peu devenu la figure exemplaire de l’opposition et l’ennemi à abattre. À travers son histoire, ce sont les cinquante dernières années de l’île qui défilent, rythmées par les ultimes tours de chant des papys de la musique cubaine : Célia Cruz, Compay Segundo ou encore Ibrahim Ferrer. Didier Goupil est l’auteur de plusieurs romans aux éditions du Serpent à plumes, dont les remarqués Femme du monde et Le Jour de mon retour sur Terre.
Alejo Carpentier – 4 romans et récits
Le Partage des eaux – Chasse à l’homme – Le Siècle des Lumières – Le Recours de la méthode // Recueil d’oeuvres du célèbre écrivain cubain d’origine franco-russe. Alejo Carpentier est le fils de Jorge Julián Carpentier, un architecte français et de Lina Valmont, un professeur de langues russe. Il a 12 ans quand sa famille s’installe à Paris. C’est là qu’il commence à étudier la musicologie. Quand il retourne à Cuba, le jeune homme commence des études d’architecte, qu’il ne terminera pas. Il se consacre au journalisme, mais son engagement à gauche lui vaut un séjour en prison (1928), sous la présidence de Gerardo Machado, avant de l’obliger à s’exiler en France. Il y rencontre les surréalistes, dont André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, Jacques Prévert et Antonin Artaud. Durant ce séjour, il fait plusieurs voyages en Espagne où il développe une fascination pour le baroque. De retour à Cuba en 1939, il poursuit une carrière de journaliste et de chroniqueur de radio. Il assiste à une cérémonie de Santería et s’intéresse à la culture afro-cubaine. En 1943, il est marqué par un séjour à Haïti, durant lequel il visite la forteresse de la citadelle La Ferriere et le palais Sans Souci de Henri Christophe. En 1945 il s’installe à Caracas (Venezuela) où il vivra jusqu’en 1959. Après le triomphe de la révolution cubaine, il revient à La Havane. En 1966 il devient conseiller à l’ambassade de Cuba en France où il résidera jusqu’à sa mort. Il compose plusieurs musiques de films pour la Cuba Sono Film, compagnie liée au Parti communiste de Cuba ..
Les trois frères Castro
Il est mort. » l’ex-colonel José Antonio Montes, jadis officier du ministère de l’Intérieur, n’a pas besoin d’en dire davantage à Salvador Ferrer, dit » Salva « , ex-président du comité de défense de son quartier. » Il est mort « . A Cuba, depuis un demi-siècle, ce » il » suffit à désigner Fidel Castro. L’annonce ne sera officielle qu’à midi, mais José est au courant depuis 4 heures. Il a fallu cette nouvelle pour rapprocher les deux hommes, après vingt ans de brouille, dans une villa décrépite de La Havane. C’est que Salva, révolutionnaire malgré lui, est le beau-frère de José. Et que ses enfants étaient des » dissidents » Penchés sur une tasse de rhum pour y lire leur passé, José et Salva revivent un demi-siècle d’histoire cubaine. Histoire triple, à l’image des frères Castro, si proches et si différents. Fidel, pharaon embaumé dans l’effluve de ses cigares. Ratil, alias » Petite Musaraigne « , dévoué serviteur de son aîné. Et puis Ramon, le plus ancien, » un type incroyable, qui contribue à une cause en laquelle il ne croit pas « . Un vieux copain d’enfance et de saoulerie, aussi… Trois frères, trois Parques qui n’ont cessé d’emmêler le destin des héros d’Eduardo Manet, campés sous le soleil trompeur d’une révolution dont ce roman est la chronique vive et désabusée.