1) LES DOMES DE FEU – Je le savais, j’étais rentré à Cimmura avec le sentiment du devoir accompli, heureux d’avoir sauvé la vie d’Ehlana et tout remis en place : le Bhelliom au fond de la plus profonde fosse de l’Océan, Dolmant à la tête de l’Eglise d’Elénie. Azash, Annais et même Otha, le roi-limace, étaient morts. Mes pires craintes se confirment : dans tous les Etats du continent, des héros de l’Antiquité soulèvent le peuple. De prétendus justiciers incitent les nobles à se révolter contre l’Empire de Tamoulie. Et il y a pire : les trolls ont quitté leur foyer natal et envahi le nord de la Dalésie. Des guerriers reviennent d’entre les morts. Un nécromancien – homme ou Dieu – ramène des armées du plus lointain passé, fouille dans le folklore et donne vie à des monstres redoutables : des vampires, des goules, des hommes de l’aube et même ceux-qui-brillent.
2) CEUX-QUI-BRILLENT – La main de Xanetia l’effleura ; il poussa un cri d’horreur, un hurlement atroce qui mourut dans un râle. Il regarda bouche bée, les yeux exorbités, la forme aveuglante qui venait de le toucher, mais ce fut bref.
Après cela, son expression fut impossible à distinguer. Sa chair se liquéfia, coula comme une bougie. Ses joues et ses lèvres dégoulinèrent sur son menton, sa mâchoire tomba. Il voulut crier encore, mais la putréfaction avait atteint sa gorge, et sa bouche dépourvue de lèvres n’émit qu’un gargouillis. La chair glissa le long de son bras, dénudant les os, et sa main de squelette laissa échapper sa dague. Ses jambes le lâchèrent ; le résidu visqueux de ce qui avait été sa peau, ses nerfs et ses tendons ruissela sur ses vêtements. Le cadavre pourrissant s’affaissa sur le sol tapissé de feuilles mortes où il continua de se désagréger. Inexorablement, la malédiction de Xanetia poursuivait son œuvre.
3) LA CITE OCCULTE – Des grondements ébranlèrent les nuages rougeâtres zébrés d’éclairs blafards. Il y eut un bruit sourd, rythmé, obsédant, et soudain une colline se dressa derrière les arbres. Une colline aussi noire que la nuit, d’où dépassaient deux protubérances pointues, pareilles à d’énormes ailes. Et les ténèbres s’enflaient toujours. La chose ouvrit les yeux, deux fentes farouches, brillant d’un feu intense. Les ailes étaient des oreilles. L’être poussa un hurlement, dévoilant des crocs pareils à des éclairs d’où s’échappaient des flammes qui étaient du sang. Alors, telles deux montagnes trapues, ses épaules apparurent au-dessus de la falaise. Deux ailes de chauve-souris se déployèrent comme des voiles noires, révélant des bras monstrueux dotés de mains aux doigts innombrables. Des éclairs grouillaient sous sa peau, révélant fugitivement des détails ignobles de son anatomie. « Klæl ! » cria Aphraël d’une voix stridente. Émouchet sentit vaciller sa conscience. Comment avaient-ils osé ressusciter Klæl, Dieu des Enfers, banni par les Dieux Aînés ?
Les gardiens du Ponant poursuivent leur quête folle de pays en pays pour retrouver le petit enfant de Garion, enlevé par la mystérieuse Zandramas. Elle l’a emmené à l’Endroit-qui-n’est-plus pour l’égorger devant la pierre maléfique; le Dieu Noir renaîtra alors. Et le Père des dieux sait que tous ses efforts, depuis l’origine des âges, seront anéantis. Quand les Ténèbres viendront, un Grolim pourrait devenir grand-prêtre ; et le roi des Murgos se verrait bien en roi des rois. Le sort de l’univers va se décider pour des millénaires, mais où ? Le ravisseur a plusieurs mois d’avance sur Garion et ses compagnons, et la piste refroidit. Quand le champion du mal perd la partie, les épopées prennent fin. « La Belgariade » s’est terminée, avec la mort de Torak. Oui, mais s’il venait à ressusciter ? A cette question répond « La Mallorée ».
Voici venus les temps ou les peuples respirent. Torak est mort, le Dieu-Dragon, l’enfant des Ténèbres, et la menace cosmique parait conjurée. Tout est calme en tout lieu dans les royaumes du ponant. Pourtant la Prophétie des Ténèbres est bien gravée dans les mémoires. Et le vieux Gorim, dans sa grotte, entend gémir et gronder la terre : une pierre maléfique s’est réveillée à l’autre bout du monde. Le culte de l’OUrs aurait-il encore des adeptes secrets? Ca et là, on complote, on assassine, on repère les enfants marqués par le destin. Déjà la guerre s’allume dans les états de sud. Puis une nuit la Voix parle à Garion.Qu’est-ce que le Sardion, la pierre tombée du ciel dont le nom fait frémir les Hulgos? Où est « l’Endroit qui n’est plus »? Faut-il encore combattre les Ténèbres vaincues? Les Gardiens du Ponant vont reprendre du service.
Garion monta sur le trône de basalte et plaça l’Orbe sur le pommeau de l’énorme épée. Il y eut un déclic ; la force vive de la pierre fusa dans la garde. La lame se mit à luire et se détacha du mur. Il la rattrapa des deux mains. La foule dans la salle réprima un halètement. Garion sidéré vit l’Orbe jeter une formidable langue de feu bleu. Sans trop savoir pourquoi, il souleva le glaive. « O joie, le roi est revenu, la prophétie s’accomplit ! clama Belgarath. Inclinons-nous devant Belgarion, roi de Riva, suzerain du Ponant ! » Et la prophétie suivit son cours. Au cœur du tumulte, on entendit un bruit métallique, comme si une tombe scellée par la rouille venait de s’ouvrir. Garion en fut glacé. Arraché à des siècles de sommeil, un cri de rage surgit des ténèbres et réclama du sang. Mais ce n’était pas le pire.Torak était de retour, et il tremblait, le dieu défiguré !
Puis le soleil sombra dans les bancs de nuages, le long de l’horizon déchiqueté, et baigna d’une lueur malsaine la sinistre forteresse. Ce fut comme si les murs saignaient, comme si tout le sang versé sur les autels de Torak depuis le commencement des âges éclaboussait d’un coup la cité de la peur. Tous les océans du monde n’auraient pas suffi à la laver. Un cri d’agonie emplit l’espace. Garion épouvanté leva la tête. « C’est la saison de la blessure, dit Belgarath. La saison où jadis l’Orbe a brûlé Torak. Le moment propice aux sacrifices humains. » L’Orbe… L’Orbe était là, aux mains du voleur. Garion regarda ses compagnons. Il fallait récupérer la pierre où palpitait la vie. Le sort des royaumes du Ponant en dépendait. Mais le lendemain matin, verraient-ils le soleil se lever ?
Soudain jaillirent du sol des formes ténébreuses : silhouettes immenses, robes noires, masques d’acier étincelant. Elles surgirent à l’endroit le plus inattendu, entre les rangs mêmes de l’armée. Un jeune chevalier mimbraïque en avisa une à ses côtés et sabra. À l’instant où sa lame traversait l’ombre, il fut frappé par la foudre. Ce’Nedra, la Fiancée de Lumière, crispa la main sur son amulette et ferma les yeux : Aide-nous, Belgarath ! Nous allons être écrasés !
À quoi servait de l’appeler ? Sans doute avait-il atteint la Cité de la Nuit, où Torak s’éveillait au milieu des ruines. L’immense geste s’achevait dans le fracas des armes, et l’enfant de la prophétie n’était pas prêt. La guerre de sept mille ans allait finir par la victoire du Dieu-Dragon des Angaraks !
Lis ça, ordonna implacablement Belgarath. Garion prit le livre et ce fut comme si l’exécration titanesque de Torak, le Dieu mutilé, montait vers lui, par-delà les siècles. Salut à toi, Belgarion, lut-il d’une voix étranglée. Salut à toi, ô mon frère de haine, et adieu. Si tu prends connaissance de ma parole, c’est que tu m’auras détruit. Dans ces conditions, je dois te charger d’une mission. Il n’y a pas d’autre issue. Ce que j’annonce dans ces pages est une abomination. L’ultime horreur t’attend à l’Endroit-qui-n’est-plus. Tu t’y rendras pour l’affronter et ôter la vie à ton fils unique comme tu m’auras ravi la mienne.
La course bat son plein ; tout l’univers retient son souffle. Zandr’amas est en fuite et possède un moyen sûr d’imposer la domination des forces obscures ; encore lui faut-il échapper à ses poursuivants, les Gardiens du Ponant, régulièrement contrariés par des obstacles imprévus : cette fois, c’est l’empereur de Mallorée qui les fait prisonniers. Or, tout va mal en Mallorée. Urvon, le dernier disciple de Torak, est devenu fou : le Nouveau Dieu des Angaraks, c’est lui, il en est sûr. D’autres misent sur Nahaz, le Démon Majeur, qui, à la tête de ses sombres hordes, met le pays à feu et à sang ; des crânes humains badigeonnés de sang remplacent l’effigie de Torak au fronton des temples. Le temps presse. L’Enfant de Lumière et ses amis doivent coûte que coûte accomplir la Prophétie. Sinon, toutes sortes de gens vont chercher le Sardion et, ce qui triomphera, ce n’est même pas le mal, mais le chaos.