Mémoires de Napoléon
A Sainte-Hélène, Napoléon a dicté des souvenirs à ses compagnons d’infortune. Leurs récits, précieux, sont frappés d’une double tare : le besoin de construire une légende et celui, inlassable de faire de la propagande. Après avoir établi la version officielle de sa vie, le souverain déchu, pour lui, a éprouvé le besoin d’écrire la vérité : les Mémoires de Napoléon sont une espèce d’Anti-mémorial de Sainte-Hélène. L’exilé s’y livre sans détour. Le fil de sa vie lui sert de prétexte à des mises en perspectives originales, à des confidences émouvantes et à une admirable collection de commentaires, notamment sur les hommes, le gouvernement, le rôle du prince, sur son temps ou sur la France. Napoléon, en faisant parvenir son manuscrit à un homme de confiance, lui avait prescrit d’attendre six ou sept générations pour le livrer à la pâture du public. C’est donc nous, gens de la fin du XXe siècle, qui avons le privilège et la joie d’en être les premiers lecteurs. Il y a dans ce récit, prévient l’auteur, davantage de vérité que d’exactitudes. Il y a surtout une lucidité et une modernité tellement troublantes, une fraicheur tellement intacte qu’on pourrait croire le livre écrit aujourd’hui. Il y a surtout une élévation qui, au delà de leur dimension romanesque, pourrait bien faire de ces Mémoires, comme avant eux La Guerre des Gaules, un classique du millénaire qui va commencer.