La Mauresque
Le 19 juin 1927, un tremblement de terre secoue à Cuba la ville de Santiago. Le narrateur est sur le point de naître : on transporte dans la rue le lit où sa mère, dite la Mauresque, accouchera de son fils au milieu de l’affolement et des cris. Un début de vie aussi exaltant ne peut annoncer que la plus riche, la plus pittoresque et la plus bariolée des enfances. Ainsi apprend-on que la Mauresque, espagnole d’origine, est devenue la concubine d’un puissant sénateur cubain, qui la délaissera ensuite pour d’autres queridas (bien-aimées). Mais la vitalité de cette superbe femme est telle qu’elle saura élever son fils dans la passion de la joie, de la liberté, de l’indépendance, malgré les pires vicissitudes politiques et sociales. La dictature de Machado suivie de sa chute, l’exil à La Havane n’entameront en rien l’humour du narrateur qui semble exister comme un prolongement toujours charnel de sa mère. La mémoire de celle-ci devient la sienne propre. Deux vies en une, tel est le spectacle de leur intimité en compagnie des deux servantes Senta et Dulce María : grouillement lumineux des fêtes, danses de possession, chants de sorcellerie, et surtout initiation sexuelle du jeune homme. Le récit, qui se termine en 1940, est comme le prélude encore heureux mais déjà dramatiquement bouleversé des événements qu’on sait, à travers une réalité qui se fait roman et un roman qui se fait réalité.
D’amour et d’exil
A près de cinquante ans, Leonardo Esteban choisit l’exil. Lui le fonctionnaire modèle, lui l’engagé, il quitte Cuba pour ne plus y revenir – alors même que son île s’ouvre aux étrangers. A la faveur d’un voyage officiel, il laisse ses amis, son passé, tout un monde vacillant. Et il choisit pour terre d’accueil le Pays Basque français. Quel secret cherche donc Esteban sur ces reliefs lointains où chante un vent de détresse ? Est-ce la figure aimée d’un parrain ou d’un père ?
Les trois frères Castro
Il est mort. » l’ex-colonel José Antonio Montes, jadis officier du ministère de l’Intérieur, n’a pas besoin d’en dire davantage à Salvador Ferrer, dit » Salva « , ex-président du comité de défense de son quartier. » Il est mort « . A Cuba, depuis un demi-siècle, ce » il » suffit à désigner Fidel Castro. L’annonce ne sera officielle qu’à midi, mais José est au courant depuis 4 heures. Il a fallu cette nouvelle pour rapprocher les deux hommes, après vingt ans de brouille, dans une villa décrépite de La Havane. C’est que Salva, révolutionnaire malgré lui, est le beau-frère de José. Et que ses enfants étaient des » dissidents » Penchés sur une tasse de rhum pour y lire leur passé, José et Salva revivent un demi-siècle d’histoire cubaine. Histoire triple, à l’image des frères Castro, si proches et si différents. Fidel, pharaon embaumé dans l’effluve de ses cigares. Ratil, alias » Petite Musaraigne « , dévoué serviteur de son aîné. Et puis Ramon, le plus ancien, » un type incroyable, qui contribue à une cause en laquelle il ne croit pas « . Un vieux copain d’enfance et de saoulerie, aussi… Trois frères, trois Parques qui n’ont cessé d’emmêler le destin des héros d’Eduardo Manet, campés sous le soleil trompeur d’une révolution dont ce roman est la chronique vive et désabusée.