A mon frère qui n’est pas mort
Le comédien et chanteur Philippe Léotard ne se laisse pas oublier. Sa voix de râpe et de scie, son visage raviné, ses yeux bleus, ses blessures. Cet homme, disparu le 25 août 2001, n’est pas mort : du moins, pas dans nos mémoires. François Léotard, dans un livre déchirant et personnel, apostrophe le frère perdu, mène l’enquête à mi chemin entre la biographie et la lettre, l’amour et le chagrin, la pudeur et l’impudeur.
L’adolescent trop brillant, le ministre de la défonce. le clown suicidaire qui parlait aux enfants et à toutes les femmes, le comédien sur les tréteaux en 1968 ou l’acteur primé qui perdait son César, l’amant quitté, le père fugueur, le compagnon à la mélancolie alcoolisée d’un Coluche ou d’un Patrick Dewaere, l’amoureux des mots, l’homme libre jusqu’à se brûler, l’homme qui s’échappe toujours. Il était tout cela à la fois. L’auteur nous dévoile ici l’essentiel : Il avait inversé sa vie. Il avait commencé comme un grand et vers la fin, il avait écrit avec son doigt sur le sable : j’ai mis tant de temps à devenir enfant.
La vie mélancolique des méduses
« Nous, les méduses, on n’existe pas vraiment. Que l’on vive, que l’on meure, que l’on disparaisse, cela ne laisse aucune trace. Nous ne savons pas les noms de ceux qui nous donnent des ordres, ni l’identité de ceux qui les emploient. Payés en liquide, nous sommes des fugitifs, insensibles, visqueux, sans visage. Nous gérons la vie des profondeurs. Pas d’identité non plus. La vie quotidienne, en dehors des missions, est d’une grande douceur. Drôle de métier quand même, métier d’un monde inversé, passé sous silence, inconnu des journaux et des juges, des parlements et des ambassades, métier de mort au service de causes indéchiffrables, présentées comme des raisons d’État. »