
La paille et le grain
Cette chronique personnelle, où l’auteur exprime en toute liberté ce qui lui vient à l’esprit, s’étend de 1971 à l’été 1974. Certains textes ont paru dans le » bloc-notes » de l’Unité, hebdomadaire du Parti Socialiste ; d’autres sont inédits. François Mitterrand griffonne assez souvent des notes, par souci de fixer dans leur contexte une impression, un fait. Ici il parle du Programme commun, des firmes multinationales, de l’inégalité fiscale, de la guerre du Proche-Orient. Ailleurs, il dresse un portrait : Sicco Mansholt, Valéry Giscard d’Estaing, Pablo Neruda, Georges Pompidou. Ailleurs encore, il dit son émotion devant un camélia de janvier, les tours de Paris, une plage l’hiver, les terrasses de Florence, un vol de grues à Latché ou son chien Titus. Aux yeux de François Mitterrand, il n’existe pas de matière vile ou noble : chacune a son usage, et la » paille » vaut le » grain « . Pour peu que le lecteur accepte, comme le chroniqueur l’y invite, de traverser les apparences, il rencontrera partout des sujets de réflexion. Quatrième de couverture de l’édition de 1978. A l’automne 1971, François Mitterrand entame une chronique régulière dans l’organe officiel du Parti socialiste, L’Unité. En voici le recueil, jusqu’à ce mois de mai 1974 qui voit la courte victoire de Valéry Giscard d’Estaing sur le leader de la gauche à l’élection présidentielle. C’est d’abord l’homme d’engagement et de combat, polémiste féroce, impitoyable critique d’institutions dont il devait être plus tard le garant sourcilleux, que nous rencontrons ici. Mais aussi, à travers l’analyse politique ou historique, les souvenirs personnels, les lectures, les réflexions «selon l’heure ou l’humeur», l’observateur profond et passionné de la France, de ses terroirs, de ses complexités sociales. Ces pages écrites au fil de l’actualité nous laissent assurément l’image la plus vivante et la plus exacte d’un homme dont la vie et le parcours appartiennent désormais à l’Histoire.
De 1974 à 1994, il a suivi pas à pas François Mitterrand. Chauffeur particulier du premier secrétaire du Parti socialiste, Pierre Tourlier est devenu peu à peu la « nounou » du président de la République française. C’était à lui qu’incombait la lourde tâche de maintenir des cloisons étanches entre les deux familles (l’épouse Danielle et la concubine Anne Pingeot), d’accompagner à l’école la fille cachée (Mazarine), de trouver les meilleures huîtres et les plus beaux ortolans, de chasser les importuns et d’apaiser les dernières souffrances. Lui seul pouvait, au lendemain du décès de l’ex-président, bloquer l’entrée de la chambre mortuaire aux maîtresses éplorées. Il les connaissait toutes. Conduite à gauche est le récit de vingt années passées dans l’intimité de François Mitterrand. Écrit dans un style simple, où perce parfois l’émotion, il fourmille d’anecdotes sur l’homme, qui appréciait les Bee Gees, abhorrait les téléphones portables, collectionnait les femmes, fondait devant sa fille, et rêvait de finir sa vie au pays des pharaons, sur les bords du Nil.
Le bureau de poste de la rue Dupin
« Il y a quelque chose que vous avez dû oublier. Et dont moi qui oublie tout je me souviens de façon lumineuse : C’est la première fois qu’on s’est vus, ici, dans cet appartement. C’était tard dans la soirée, vous étiez deux. Vous vous êtes assis devant la cheminée du salon, de part et d’autre d’un poêle, de ceux qui étaient faits avec des vieux barils à huile et dans lesquels on brûlait du papier journal compressé en boulets. Je ne sais plus si je vous ai donné quelques chose à manger. Il y avait Mascolo. Vous avez parlé ensemble tous les trois, mais très peu. Et tout à coup vous avez fumé, et la pièce a été envahie par l’odeur de la cigarette anglaise. Il y avait tris ans que je n’avais pas senti cette odeur. » Les cinq entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand publiés ici ont été réalisés de juillet 1985 à avril 1986. Parus à l’époque dans l’Autre Journal, les voici aujourd’hui réunis , enrichis de notes et de témoignages qui en éclairent le contexte.
