Le Refuge et la Source
Rares sont les hommes publics qui, à rebours du temps passé, refont le rude chemin de leurs choix et de leurs partis. Rares ceux qui osent, comme Jean Daniel tamiser au van de la mémoire le sable très ancien où ils ne cessent, à leur insu, d’aller se ressourcer. L’enfance est le secret des chefs, enfouie à jamais dans le soliloque inaugural qui meublait leurs premières rêveries, mais ne revient ensuite, sur les oeuvres de l’âge m-r, que comme leur frange d’écume et presque leur part maudite… Jean Daniel, justement, rompt ce silence obstiné et se risque, pour sa part, aux vertiges du souvenir. Ce monologue enfantin, celui qui poursuit chaque homme jusqu’aux heures les plus noires, mais qui toujours semble en trop, en trop de la vie réelle, il tente d’en nouer les fils et d’y inscrire le dessein d’un récit. Reconstituant ses bribes, ses images fugaces et décousues, il en fait, en une véritable insurrection de l’âme, la méthode inattendue d’une généalogie politique.