
Le météorologue
Son domaine c’était les nuages. Sur toute l’étendue immense de l’URSS, les avions avaient besoin de ses prévisions pour atterrir, les navires pour se frayer un chemin à travers les glaces, les tracteurs pour labourer les terres noires. Dans la conquête de l’espace commençante, ses instruments sondaient la stratosphère, il rêvait de domestiquer l’énergie des vents et du soleil, il croyait « construire le socialisme », jusqu’au jour de 1934 où il fut arrêté comme « saboteur ». À partir de cette date sa vie, celle d’une victime parmi des millions d’autres de la terreur stalinienne, fut une descente aux enfers.
Pendant ses années de camp, et jusqu’à la veille de sa mort atroce, il envoyait à sa toute jeune fille, Éléonora, des dessins, des herbiers, des devinettes. C’est la découverte de cette correspondance adressée à une enfant qu’il ne reverrait pas qui m’a décidé à enquêter sur le destin d’Alexéï Féodossévitch Vangengheim, le météorologue. Mais aussi la conviction que ces histoires d’un autre temps, d’un autre pays, ne sont pas lointaines comme on pourrait le penser : le triomphe mondial du capitalisme ne s’expliquerait pas sans la fin terrible de l’espérance révolutionnaire.
Tigre en papier
Poétique des années 60. Ainsi Olivier Rolin aurait pu signer également son livre Tigre en papier. Des années 60, avec tout ce qu’elles possédaient pour rugir et mordre dans la vie. Né entre la mère des défaites et Diên Biên Phu, le narrateur s’emploie à raconter sa jeunesse en roulant frénétiquement le long du périphérique parisien. Une jeunesse qui voit se déployer portraits, objets et gestuel. C’est le temps des copains, des clampins sympathiques « à la vie à la mort », des virées ici et là, où l’on fauche une bagnole à Vesoul, gravit la tour sud de Saint-Sulpice, où l’on file en voyage jusqu’au Mékong, le temps des Trabants, des cuites, de la Gitane maïs, des tracts qui n’en finissent plus, rédigés dans la nuit et ronéotypés, des réunions politiques, d’Eddy Merckx, de Nixon, et de Sartre houspillé chez Renault…
