Comoedia
Un homme se trouve investi par le ciel du pouvoir encombrant de faire des miracles; il sait aussi qu’il perdra ce don s’il s’abandonne à l’amour. Brodant sur le thème éternel du manque, moteur de toute comédie humaine (et de la comédie divine), Serge Filippini nous convie à suivre en ses aventures l’infortuné Gobbio, révolté contre le ciel, en quête de cette seule et improbable merveille : la survenue d’un miracle qui, cette fois, ne devrait rien aux faveurs d’en haut.
Phébus
Composé par une jeune femme de vingt-cinq ans, ce premier roman sensible et ténu est le récit d’une passion double: pour un pays et pour un homme. Il est imprégné des mille couleurs et odeurs de l’Afghanistan, terre violente et envoûtante où l’amour peut germer.
Le grand amour est un voyage. Et les vrais voyages ressemblent à l’amour. C’est à la rencontre des deux que nous invite Ingrid Thobois à la faveur de son court récit : la fin de l’un et la découverte de l’autre.
En posant nos pas, précautionneux, dans les mots de la narratrice, nous visitons l’Afghanistan, de Kaboul à Djallabab. Un Afghanistan intime, grêlé par la guerre certes, mais étranger aux représentations que nous fournit l’actualité télévisuelle. La jeune femme est arrivée là peu après l’intervention américaine, pour donner des cours de français. Elle s’est éprise d’un autre expatrié, beaucoup plus âgé, et marié. Si cette liaison a pour elle le goût de l’inédit, ses affres sont le lot de toutes les passions: escapades érotiques, manque de l’autre, soif d’absolu, espoir de vivre un jour ensemble, promesses insensées, désillusions et souffrance. Quand la narratrice succombe finalement au charme de sa terre d’exil, elle se déprend de celui qui l’attachait à l’homme qui lui a fait subir mille morts. Certes, la rencontre avec «le Prince» ne suffit pas à lui faire oublier son amant, mais l’Afghanistan la transporte, la galvanise. C’est l’âme dépaysée qu’elle rencontre des êtres qu’un sourire, une parole, un geste gravent dans sa mémoire et que sa langue tenue grave en la nôtre.
Des vies sans couleur
Marion Campbell dirige une agence de voyages prospère au Cap et mène une vie solitaire et sans histoire. Mais tout n’est qu’apparence. La nuit, son sommeil est agité, et le jour, elle est hantée par les souvenirs confus qu’à fait resurgir en elle la photographie d’une femme en première page du journal. Une chose est sûre : Marion est liée à elle d’une manière ou d’une autre. Or son vieux père refuse catégoriquement de s’associer à sa nouvelle quête. Seule la tenace et vive Brenda l’aidera à replonger, non sans douleur, au cœur des sentiers sinueux de son passé… Un drame subtil et déchirant sur le destin méconnu des métis, ces « ni noirs, ni blancs durant l’apartheid et dont la puissance romanesque a été saluée par Toni Morrison et J.M. Coetzee, prix Nobel de littérature.
Retour au pays bien-aimé
Après le décés de sa mère, George Neethling, la trentaine, éditeur dont la famille s’est exilée en Suisse, décide de retourner en Afrique du Sud pour y vendre Rietvlei, la propriété où sa mère et lui sont nés. Dès son arrivée, il est confronté à un univers où règnent la violence et la terreur, et découvre que Rietvlei n’est plus qu’un tas de ruines. Espaces infinis -le veld et le ciel -et mondes intimes se répondent, dialoguent, se reflètent les uns les autres. Tout est désert. Neethling comprend qu’il est devenu à jamais un étranger sur sa terre natale.
Longue marche
Au printemps de 1999, Bernard Ollivier soixante deux ans sonnés est parti d’Istanbul, sac au dos, avec la ferme intention de gagner, à pied, Xi’ an en Chine : 12 000 km au long de la légendaire Route de la Soie soit une promenade de quatre ans, si tout va bien. Aux étapes, il se repose en écrivant. Un premier volume de cette Longue marche, qui racontait la difficile traversée du plateau anatolien, avait paru à la veille de l’été 2000; et la critique, surprise, avait salué moins l’exploit d’un homme que la naissance d’un écrivain. Bernard Ollivier poursuit ici sa route. Du printemps à l’automne 2000 (les neiges de l’hiver interdisent le passage des cols), il a franchi les dernières passes du Kurdistan, traversé une large part de l’Iran – Tabriz, Téhéran, Nichapour, avant de se retrouver en juillet face au terrible Karakoum, un désert impossible à traverser l’été. Il a d’abord cherché un chameau, afin de transporter l’indispensable provision d’eau (douze litres par jour : ration de survie d’un marcheur), et s’est fait rire au nez. Et puis, têtu comme un caillou du Khorassan, il s’est fait chameau lui-même : il achète un vélo d’enfant, le désosse et réussit à le transformer en une sorte de chariot auquel il s’attellera pendant plusieurs semaines. Jusqu’à ce qu’apparaissent enfin, à l’horizon, les coupoles d’or de Samarcande !
Cœurs bléssés
Sensible, tranquille, fidèle, généreuse : les qualités que l’on prête généralement à Gina ne sont qu’apparence… Le cœur de la jeune femme est sec et son esprit tourmenté. Elle croit offrir et ne donne – l’homme parfait, en somme. Abandonnée, Gina renoue avec la solitude qui a tout à la fois cimenté et miné son enfance, marquée par l’absence de sa mère, partie sans se retourner, et le mutisme de son père. Interrogeant ses errements présents à la lumière du passé, elle entreprend de se dépouiller de ses illusions et de ses mensonges.
La saison des adieux
Ce Sud-Africain fidèle au vieux parler de source batave qu’est l’afrikaans (et que parlent encore aujourd’hui plusieurs millions de personnes, dont une bonne part de Noirs) est mal connu chez nous, où n’a été traduit de lui qu’un seul parmi la quinzaine de romans de haut vol qu’il a publiés (En étrange pays, Laffont, 1991 ; Rivages/Poche, 1998).
Crime passionnel
La récente remise au jour du Destin de Mr Crump (phébus, 1996) qui avait tant fasciné Freud et Thomas Mann a ramené en pleine lumière l’oeuvre de Ludwig Lewisohn, premier en date des grands romanciers juifs d’Outre-Atlantique – et (avant Nabokov) le dénonciateur le plus radical peut-être de la bonne pensée américaine… et de la bonne pensée tout court. Crime passionnel (1930), qui eut en son temps un succès considérable (Antonin Artaud et Bernard Steele le traduisent dès 1932) est sans doute son roman le plus ambitieux : un texte dont la modernité en tout cas, un large demi-siècle avant passé, laisse sans voix. Pour la première fois en effet, le Sexe majuscule figure comme le grand fauteur de trouble – c’est-à-dire de vérité -, dans un monde où faux libertins et vrais puritains sont renvoyés dos à dos à leurs médiocres désirs : désirs aimantés non par la chair mais par le goût secret du pouvoir. La rage qui habite ce livre est celle que l’on sent déjà à l’oeuvre dans Mr Crump : l’enfer est sur terre, et d’abord derrière les façades proprettes de la respectabilité des familles, de la bonne conscience, de l’amour même…
Certaines n’avaient jamais vu la mer
L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux Etats-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi. C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles recontrent pour la première fois à San Francisco leur futur mari. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir. A la façon d'un choeur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées … leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire … Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli…
La peur des bêtes
Evaristo Reyes, flic à la police judiciaire mexicaine, s’est fourré dans un sale guêpier. Chargé de rendre une « petite visite » à un journaliste, il est le dernier à l’avoir vu vivant et, par conséquent, le premier sur le banc des suspects. Obstiné, Evaristo mène l’enquête en solo. Sage décision: entre magouilles politiques et corruption, mieux vaut ne faire confiance à personne…
Hiver 1941. Une petite troupe de bagnards s’évade d’un camp russe situé tout près du Cercle polaire. Ils ne connaissent pas grand-chose à la géographie. Ils songent « simplement » à gagner à pied l’Inde anglaise : le soleil, pensent-ils, leur indiquera au moins la direction du sud. Aucun d’eux n’est capable, sur les milliers de kilomètres qu’il leur faut parcourir – ils y mettront deux ans -, de situer le désert de Gobi… que plusieurs réussiront pourtant à franchir sans provision d’eau. L’innocence, parfois, est la meilleure alliée du courage…
Le Quinconce – Tome I et II
Charles Palliser, un Américain devenu plus anglais que les Anglais, aura mis douze ans à bâtir son intrigue, en prenant ses références chez Dickens et surtout chez Wilkie Collins – mais en les pervertissant de façon assez diabolique : jamais peut-être dans l’histoire du roman on n’avait inventé des personnages de « méchants » d’une noirceur aussi terrifiante. Dans l’Angleterre du début du XIXe siècle, le petit John Huffam, élevé dans un village perdu, ne tarde pas à découvrir la cruauté qui fonde les castes sociales et qui déchire les êtres. A l’occasion d’une rencontre avec une gamine de son âge, il croit comprendre que sa mère, pauvre parmi les pauvres, est mystérieusement apparentée aux châtelains de l’endroit : un secret qu’il vaut mieux ne pas trop creuser si l’on veut avoir la paix. Ce secret, John consacrera sa vie à l’élucider…