L’autre Chirac
Comme la majorité des Francais, Pierre Pean a longtemps eu en tête, lorsqu’il pensait à Jacques Chirac, les images d’un Bonaparte inculte qui n’aimait que la musique militaire, obsédé par le pouvoir, prêt à tout pour l’obtenir. D’un homme pressé en tout – le fameux cinq minutes, douche comprise -, auteur du discours d’Orléans évoquant l’immigration par le bruit et l’odeur … Mais le journaliste classé à gauche avouait avoir aussi été séduit par le refus de la guerre américaine en Irak, et, en enquêteur qui refuse qu’on lui mette des oeillères, il a recoupé ses propres investigations avec le contenu de douze longs entretiens que Chirac lui a accordés en 2006.
Entre la biographie dialoguée et l’autobiographie à deux voix, ce livre ne vient pas s’ajouter à tous ceux qui ont été consacrés à Chirac. Il parle – et porte le témoignage direct – de l’homme politique le moins bien connu des Francais.
Pierre Pean a découvert son jardin secret et les raisons pour lesquelles il a construit sa carrière politique en le préservant jalousement, quitte à passer souvent pour moins intelligent qu’il ne l’était. Car c’est là que se mouvait l’autre, le vrai Chirac.
Compromissions
Jeux, prostitution, trafic de drogue : pour les parrains mafieux, la Corse est le paradis des « affaires ». Mais pour qu’elles prospèrent comme ils l’entendent, ils ont besoin du plus grand laxisme administratif, doublé de la plus grande bienveillance policière et judiciaire. Ce qui explique, d’une part, les accointances du « milieu » avec des soutiens haut placés en métropole et, d’autre part, l’intrication du combat indépendantiste et des actions criminelles commanditées par des truands désireux d’asseoir leur mainmise sur l’île de Beauté. De la French Connection à l’assassinat du préfet Érignac, des bases africaines de la mafia corse aux cercles de jeu parisiens, l’enquête de Pierre Péan retrace la guerre ouverte entre hors-la-loi et tenants de l’ordre républicain qui sévit depuis les années 1930. Un vrai thriller où les cadavres des victimes de règlements de comptes tiennent lieu de marque-pages.
Le monde selon K
Du French doctor bravache et bénévole courant soigner les victimes de la guerre de sécession au Biafra, à l’icône médiatique propulsée au top des sondages de popularité; du militant gauchiste, devenu l’un des ministres préférés du président Mitterrand, à l’éphémère soutien de Ségolène Royal passé dans le camp de Nicolas Sarkozy et nommé par lui au Quai d’Orsay; de l’inventeur autoproclamé du devoir d’ingérence à sa récente répudiation du «droit-de-l’hommisme»; de ses généreux engagements d’antan à ses flirts éhontés avec le bushisme, les néocons américains ou l’actuel dictateur rwandais – quelle meilleure illustration de la dérive opportuniste d’une fraction de la génération soixante-huitarde et de ses reniements successifs que la carrière de Bernard Kouchner? À force, écrit Pierre Péan, il aura fait une victime de ce qui lui était le plus cher: l’image qu’il voulait donner de lui-même et à laquelle il sera, à ce train, le dernier à croire.