L’antiracisme, qui est devenu la nouvelle idéologie internationale, se signale en France par la dictature de nouveaux dévots dont le zèle inquisitorial, l’hypocrisie, la volonté de culpabilisation sont particulièrement à l’œuvre dans le milieu prétendu littéraire, où le faux règne en maître. L’écrivain qui s’aventure encore à nommer le réel et en appelle à l’intégrité de son être comme au génie chrétien de la nation, celui-là est non seulement traité de « réac » ou de « facho », suivant la typologie héritée de la Propagande communiste, mais il est surtout accusé de « racisme » : criminalisation de la pensée, pour laquelle il encourt l’ostracisme, la censure, le tribunal. La plupart sont amenés à se taire, ou à bêler avec les brebis pénétrées par le Bien. Quelques-uns parlent, cependant, comme Richard Millet qui, à l’accusation de « racisme » lancée contre lui par le parti dévot, répond que l’antiracisme est une terreur littéraire, c’est-à-dire un des vecteurs du Faux, et une vraie forme de racisme visant à éradiquer cette vérité qu’on appelle littérature, donc la vérité sur le monde.
Ma vie parmi les ombres
Le narrateur est originaire de Siom, dans le haut Limousin. Des années soixante au début du nouveau millénaire, il assiste à la fin du monde rural dans lequel il est né, à la disparition des tournures et expressions qui sont le vêtement d’apparat des langues, à la mort des grandes familles, à commencer par le clan Bugeaud. Lui-même finit par perdre l’accent limousin, ne parlant plus patois que dans ses songes ou pour jurer. Un monde ancien s’est éteint, monde de rites et de traditions, monde vernaculaire aux maisons sombres et aux greniers labyrinthiques, monde de terre, de paysans et de saisons, monde témoin de deux conflits mondiaux et de l’entre-deux-guerres, monde de maquisards et de superstitions…