Mémoires de Napoléon
A Sainte-Hélène, Napoléon a dicté des souvenirs à ses compagnons d’infortune. Leurs récits, précieux, sont frappés d’une double tare : le besoin de construire une légende et celui, inlassable de faire de la propagande. Après avoir établi la version officielle de sa vie, le souverain déchu, pour lui, a éprouvé le besoin d’écrire la vérité : les Mémoires de Napoléon sont une espèce d’Anti-mémorial de Sainte-Hélène. L’exilé s’y livre sans détour. Le fil de sa vie lui sert de prétexte à des mises en perspectives originales, à des confidences émouvantes et à une admirable collection de commentaires, notamment sur les hommes, le gouvernement, le rôle du prince, sur son temps ou sur la France. Napoléon, en faisant parvenir son manuscrit à un homme de confiance, lui avait prescrit d’attendre six ou sept générations pour le livrer à la pâture du public. C’est donc nous, gens de la fin du XXe siècle, qui avons le privilège et la joie d’en être les premiers lecteurs. Il y a dans ce récit, prévient l’auteur, davantage de vérité que d’exactitudes. Il y a surtout une lucidité et une modernité tellement troublantes, une fraicheur tellement intacte qu’on pourrait croire le livre écrit aujourd’hui. Il y a surtout une élévation qui, au delà de leur dimension romanesque, pourrait bien faire de ces Mémoires, comme avant eux La Guerre des Gaules, un classique du millénaire qui va commencer.
A quoi sert le Sénat, institution deux fois centenaire qui nous coute chaque année plus de 300 millions d’euros? D’abord à financer les privilèges (plus de 4 000 euros mensuels de retraite pour 15 ans de cotisation) et les rémunérations royales (11 540 euros net par mois) des derniers princes de la République, nos 331 sénateurs. Et aussi à entretenir les 1 260 fonctionnaires les mieux rémunérés de l’Hexagone (de 2 300 à 20 000 euros net mensuels), qui font la semaine de 32 heures et ont presque 4 mois de vacances. Luxe, calme et volupté… Et, dans l’esprit de beaucoup, de Jospin à Sarkozy, ces super-privilèges n’ont pas la moindre justification, car, selon eux, cette deuxième Chambre ne sert à rien. La réalité est édifiante: un petit tiers des sénateurs travaille, un gros tiers vient de temps en temps à Paris et les autres appartiennent à la famille des rois fainéants. Un royaume hors du monde et du temps ? Pas tout à fait. Car nos sénateurs, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont assidument courtisés par des lobbies de tout poil. Des marchands d’armes aux semenciers, chacun connaît la capacité de ces édiles à peser sur la diplomatie française ou à modifier un texte de loi. Cela justifie bien des voyages d’études, tous frais payés, quelquefois au bord d’un lagon lointain… D’autres ténors politiques, en revanche, continuent à considérer la Chambre haute comme un précieux garde-fou contre les dérives des gouvernements et l’obéissance servile de l’Assemblée nationale.