Ainsi vivent les morts
L’hypothèse de départ émise par l’auteur est en phase avec les tendances post-modernes de la spiritualité : oui, il y a une vie après la mort, non pas en un lieu inaccessible mais juste devant nous. Une sorte de commune limitrophe à la grande cité de la vie, une banlieue que l’on atteint en prenant une bretelle d’accès ignorée par les vivants et en passant plusieurs péages plutôt douloureux et perturbants. Ceci étant admis, Will Self nous en donne la cartographie, le plan d’accès détaillé, s’appuyant pour cela sur une héroïne de synthèse qui va ainsi nous guider de vie à trépas. Lily Bloom, l’héroïne, princesse juive américaine, grande consommatrice de Camel et de Valium, agonise dans un hôpital de Londres. Elle se détache des êtres et des choses, s’extirpe de son enveloppe de douleurs charnelles et juge avec une acuité d’autant plus féroce ses enfants, ses maris, ses amants, ses bonheurs, ses erreurs et ses doutes. Puis, guidée par un aborigène australien, Lily explore les couloirs de ce monde parallèle qu’on nomme aussi la mort. Un parcours en forme d’expiation d’une mère ayant commis tous les pêchés du monde, en route vers une terra incognita des aveugles que nous sommes. À travers le portrait de Lily Bloom, l’auteur des Grands Singes bâtit un système de vérités morales, politiques et théologiques illustré par des visions personnelles et arbitraires qui restent cependant toujours accrochées à une réalité contemporaine. Une œuvre dense et complexe.