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Nous l’avons tant aimée, la révolution
Mai 68 ça a toujours été mon Amérique à moi. Imagine ! T’as treize ans, des nattes, un cœur gros comme ça d’absolu, t’es pour les Indiens contre les cow-boys, tu rêves d’un prince charmant qui s’appellerait Robin des bois… et pendant que les grands (ceux de 20 ans) sont en train de vivre tes rêves dans le fracas d’un monde qui s’écroule malgré les charges endiablées d’un 20e de cavalerie qui ne sait plus où donner de la matraque, tu dois te contenter de rêver ta vie parce que les parents t’ont enfermée à double tour dans ta chambre ! La révolution, Maylis, tu la feras quand tu seras plus grande ! Plus grande ! J’en pleurais ! Je les aurais bouffés ! La haine ! Et j’ai dû ronger mon frein. Quelques années. Le temps de me sentir assez grande. Assez forte. Pour oser couper le cordon. Pour oser être. Pour oser vivre. Et un jour, ça a pété. « Bye bye dad ! » Bonjour la liberté, la vie, les luttes, l’espoir, la révolution ! Ohé les grands, j’arrive ! Mais déception, j’eus beau regarder partout autour de moi, pas trace de mes idoles d’un printemps trop bref. Tout juste quelques troisièmes couteaux ici et là, roides de trotskysme caporalisé et de maoïsme militarisé. Mais de tous ceux que j’avais entraperçus dans mes rêves, de tous ces enragés de liberté et d’égalité, de tous ces troubadours de l’espoir, de tous ces barbares féroces et joyeux… Point ! Évanouis, disparus !