
Nouvelles sous ecstasy
Certains territoires du cervelet et d’autres champs de la conscience sont restés inexplorés avant les années quatre-vingt et la découverte d’une nouvelle drogue, la MDMA, plus connue sous le nom d’ecstasy. Drogue dure, cette « pilule de l’amour » à effet rapide « avec une montée et une descente comme dans les montagnes russes » rend la vie des personnages de ce recueil de nouvelles parfois difficile : jouissive avant d’être sombre, heureuse avant d’être déprimante. On s’aime, on se déchire, on fait des choses folles comme voir le monde au bord du gouffre, oublier ses inhibitions et ses tabous… et puis… passer les bornes. Oui sans doute, sans doute, car voilà tout le talent de Beigbeder. Avec beaucoup d’humour et d’invention, il nous propose une réflexion sur l’amour et sur la folie, deux concepts aux multiples ramifications. Et avec toute l’affection dont il est capable, il partage le « trip » de ses personnages, nous offrant la possibilité d’hésiter : est-ce l’auteur qui écrit sous ecstasy ou le récit de la vie d’individus en plein envol ? Peut-être bien les deux, ce qui ne gâche en rien le plaisir de la lecture.
Un artiste du monde flottant
L’artiste, c’est Masugi Ono, vieux maître de l’art officiel nippon, narrateur de ce livre, et le monde flottant, c’est le quartier des plaisirs de la vie nocturne qu’il a beaucoup fréquenté au temps de sa jeunesse. Aujourd’hui, il tente de donner un sens à sa vie il dialogue avec ses contemporains, dans le Japon de l’immédiat après-guerre et interroge son passé. Grâce au ton insidieux et indéfinissable du narrateur, ce livre exerce un charme envoûtant sur le lecteur. Discret comme un film d’Ozu, ce roman ressemble à du Proust revu et corrigé par Kawabata, la modernité en plus.
Reine de cœur
En 1939, Jun est étudiant au Conservatoire de Paris. Mais le conflit sino-japonais le contraint à rentrer au Japon. En quittant la France, il laisse derrière lui son grand amour, sa « reine de coeur », la jeune Anna. L’épreuve de la guerre sera d’une violence monstrueuse. Des années plus tard, Mizuné, une jeune altiste parisienne, découvre un roman qui lui rappelle étrangement le parcours de ses grands-parents, Jun et Anna, qu’elle n’a jamais connus. Bouleversée par la guerre et la folie des hommes, leur histoire d’amour, si intimement liée à la musique, pourrait bien trouver un prolongement inattendu. Le passé récent du Japon et les atrocités commises au nom de la grandeur nationale, la musique vécue comme ce que l’humanité porte en elle de meilleur, la transmission du passé malgré les silences familiaux, l’amour de la langue française : dans ce roman à la fois émouvant et captivant, Akira Mizubayashi continue d’explorer les thèmes qui lui sont chers.
Les amies
« Séductrices, elles souhaitent faire tomber les barrières. Passer leur vie bourgeoise au napalm. Faire éclater la norme. Elles veulent vivre mille vies et ont du mal à considérer que la nourriture bio et les objets connectés suffisent au bonheur. Elles refusent la limitation de l’amour à la tendresse conjugale. En fait, ces femmes sont des grands hommes, selon la formule consacrée. »
Voici l’histoire d’un trio amical flamboyant saisi à deux moments de son existence. Dans un premier tableau, à Djerba, Armelle, Rim et Anna, mères épuisées approchant de la quarantaine, partent à l’assaut de leur jeunesse perdue. Au bord de la piscine de leur hôtel, elles rêvent ensemble d’amour et d’aventure. Lorsqu’elles se retrouvent trois ans plus tard sur une île au large de Morlaix, elles ne parlent plus la même langue. Leurs désirs sont désaccordés, et les tensions montent sous la lumière blanche du grand phare. Que reste-t-il de nos amitiés ? Avec ce roman tour à tour hilarant et grave, Nolwenn Le Blevennec dessine les contours de ce lien si précieux.
Alcools
TEXTE INTEGRAL
«Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes d’esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes»
——
Cent ans après sa publication, Alcools demeure une référence incontournable de la poésie mondiale. La présente édition en propose une approche intime et témoigne de son influence toujours présente.
L’accompagnement pédagogique insiste sur l’aspect novateur du recueil et sur l’influence qu’il exerça sur la vie culturelle. Deux regroupements de textes, l’un sur la littérature sans ponctuation, l’autre sur le poète en prison, inspireront des travaux originaux.
Les loups des étoiles
Morgan Chane est le seul Loup des étoiles d’origine terrienne, un pirate, un assassin doté d’une force physique et de réflexes hors du commun. Après avoir tué un de ses pairs, il se voit obligé de fuir pour sauver sa vie. Mais où peut se réfugier un homme pourchassé par les Loups des étoiles et qui, aux yeux de tous, restera à jamais l’un des leurs ? Désormais sa route est tracée. Morgan Chane, l’homme qui ne voulait pas mourir, partira à la recherche de l’arme de nulle part, affrontera les dangers des mondes interdits et retournera sur la planète des Loups. Le cycle des « Loups des étoiles », rythmé par le fracas d’immenses batailles spatiales, nous propulse à travers une myriade de planètes dangereuses, au contact d’incroyables races extraterrestres et de secrets astronomiques vieux de millions d’années.
Namibie
Ce guide répond à trois objectifs : informer, illustrer et guider. Plus de vingt auteurs, photographes, grands voyageurs, universitaires ou journalistes, ont collaboré à ce volume pour vous offrir le guide le plus exhaustif, un récit vivant où anecdotes historiques, tableaux pittoresques et renseignements pratiques se succèdent et se complètent. HISTOIRE ET SOCIETE. Terre mère de l’Otavipithecus namibiensis, des San et des Herero, découverte en 1485 par le Portugais Diego Cào, oubliée des Occidentaux jusqu’au XIXe siècle, colonisée par les Allemands, dominée par les Sud-Africains, libérée par Sam Nujoma… la Namibie, dernier État africain à accéder à l’indépendance, vous dévoilera avec pudeur une jeune et dynamique nation, tournée vers l’avenir.ITINÉRAIRES. Émerveillez-vous devant les colonies d’otaries à fourrure du Skeleton Coast National Park; découvrez la faune du Caprivi d’un poste d’observation flottant dans les Linyati Swamps; surfez les majestueuses dunes de Swakopmund; osez le trek dans le spectaculaire canyon de la Fish River; escaladez les monts Spitzkoppe ou Erongo pour atteindre les peintures rupestres; plongez dans les profondeurs des lacs de Dragon’s Breath ou d’Otjikoto… La diversité des richesses naturelles du pays fascinera tous les amoureux de la nature, les sportifs de l’extrême et les férus d’aventure. INFORMATIONS PRATIQUES. Trente pages pour tout savoir sur les formalités.
La carapace de la tortue
« Oui, … je suis venue sur terre comme une tortue, encombrée d’une carapace. Qui rentre la tête quand le monde extérieur est trop douloureux. J’ai essayé de leur faire comprendre qu’ils n’y pouvaient rien. Que j’étais maladroite et disgracieuse malgré eux. Malgré moi. […] Étonnant d’imaginer que les personnes disgracieuses n’ont pas conscience de leur laideur. Je l’ai toujours su, évidemment. Même si j’ai préféré considérer cela avec indulgence. Comment survivre sinon ? »
Lorsque Clotilde décide de venir s’installer à Bordeaux, sa ville natale, elle ne sait pas encore que sa vie va en être bouleversée : d’abord la découverte de voisines drôles et fantaisistes, puis l’amour d’un enfant et qui sait, celui d’un homme ? La recherche d’un travail va la conduire par le plus heureux des hasards à pénétrer un cercle bien fermé, celui de l’art contemporain. C’est dans un musée en quête de création et d’esthétisme que Clotilde va s’épanouir.
Un hymne à l’amitié, à la culture et à la différence ! Une écriture décomplexée et vive qui fait exploser les idées préconçues sur l’apparence physique !
Tous, sauf moi
Par un tissage subtil, documenté et superbement écrit, Francesca Melandri rapproche l’Histoire Italienne de celle du patriarche Attilio Profeti. A 95 ans, Attilio se souvient d’une vieille promesse. Tous mourront, sauf lui… Et effectivement, même avec sa mémoire et sa raison en berne, il est là, porteur d’un passé foisonnant. Bigame, trigame, intelligent, attachant, mais aussi fasciste et raciste patenté, cet homme hors norme a traversé le 20è siècle avec nonchalance et intelligence. Librement inspiré de son propre père (qui n’était pas fasciste dans les années 30 en Italie?), l’auteure réveille un passé totalement enfoui, bien que très documenté historiquement. Il était une fois l’Abyssinie, une terre éloignée, que le Duce voulu dompter. Aujourd’hui Éthiopie, cette terre se souvient encore des exactions terribles qui ont décimé une grande partie de sa population. Mais quand le racisme se fonde sur des mesures anthropomorphiques et scientifiques, est-il nécessaire de parler de population ? Ces sauvages ne sont pas tout à ait hommes, surtout les mâles. L’histoire montrera que les femelles ont eu un sort particulier. Ainsi, Ilaria, enseignante engagée dans des combats humanistes, voit-elle un jour débarqué sur son palier Shimeta Ietmgeta Attilaprofeti, qui dit être son neveu. Patiemment, intégrant courageusement les découvertes nauséabondes qui auréolent son père, elle va détricoter tous les fils qui remontent à ce passé colonial. La situation des réfugiés à Lampedusa en sera le triste pendant. Un livre fort, courageux, intelligent et humain. Accompagner Ilaria est une tâche difficile, parfois à la limite du supportable, qu’il est important de mener à son terme. Pour, face à tous ces visages échoués sur nos plages européennes, ne jamais pouvoir dire : « je ne savais pas. »
Lumière d’août
La main allait, lente et calme, le long du flanc invisible. Il ne répondit pas tout de suite. Non qu’il essayât de l’intriguer. Il avait l’air de ne pas se rappeler qu’il devait en dire davantage. Elle répéta la question. Alors, il lui dit: – J’ai du sang noir. Elle resta étendue, parfaitement immobile, mais d’une immobilité différente. Mais il ne parut point s’en apercevoir. Il était couché, calme aussi et, de sa main, doucement lui caressait le flanc.
Au début du XVI? siècle, humanistes et théologiens s’élèvent contre les abus du clergé et entrent en rébellion contre l’Église, prônant un retour à une religion plus simple. À leur tête, Luther et, quelques années plus tard, Calvin, dont les idées de Réforme se propagent dans presque toute l’Europe, avant de la diviser profondément. L’Église réagit, puis persécute. Les massacres de la Saint-Barthélemy signent en lettres de sang l’ère des guerres de Religion, qui ne prendront fin qu’avec l’édit de Nantes, en 1598. Mais le temps de la tolérance est encore loin.Olivier Christin nous fait traverser cette Europe déchirée par la Réforme.
Le Maître et Marguerite
Pour retrouver l’homme qu’elle aime, un écrivain maudit, Marguerite accepte de livrer son âme au diable. Version contemporaine du mythe de Faust, transposé à Moscou dans les années 1930, Le Maître et Marguerite est aussi une des histoires d’amour les plus émouvantes jamais écrites. Mikhaïl Boulgakov a travaillé à son roman durant douze ans, en pleine dictature stalinienne, conscient qu’il n’aurait aucune chance de le voir paraître de son vivant. Écrit pour la liberté des artistes et contre le conformisme, cet objet d’admiration universelle fut publié un quart de siècle après la mort de celui qui est aujourd’hui considéré comme l’égal de Dostoïevski, de Gogol et de Tchekhov réunis.
Bel-Ami
Georges Duroy, dit Bel-Ami, est un jeune homme au physique avantageux. Le hasard d’une rencontre le met sur la voie de l’ascension sociale. Malgré sa vulgarité et son ignorance, cet arriviste parvient au sommet par l’intermédiaire de ses maîtresses et du journalisme. Cinq héroïnes vont tour à tour l’initier aux mystères du métier, aux secrets de la mondanité et lui assurer la réussite qu’il espère. Dans cette société parisienne en pleine expansion capitaliste et coloniale, que Maupassant dénonce avec force parce qu’il la connaît bien, les femmes éduquent, conseillent, oeuvrent dans l’ombre. La presse, la politique, la finance s’entremêlent. Mais derrière les combines politiques et financières, l’érotisme intéressé, la mort est là qui veille, et avec elle, l’angoisse que chacun porte au fond de lui-même.
Un pedigree
J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. Les événements que j’évoquerai jusqu’à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d’autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie. P. M.
Le ranch de Flicka
Le ranch que Mary O’Hara possède dans le Wyoming a servi de cadre aux aventures de Flicka , la belle pouliche alezane, de son fils Thunderhead et de tous les descendants de l’Albinos, l’étalon blanc devenu légendaire. La vie quotidienne au ranch, avec ses joies et ses difficultés, ses drames et des épisodes comiques, est aussi une aventure, la plus passionnante de toutes !
Black beauty
Black Beauty est un cheval splendide. Dressé avec douceur et bonté, c’est une monture qui fait la fierté de son maître, un riche seigneur de la campagne anglaise. En compagnie du joyeux poney Merrylegs et de la jument Ginger, il vit ainsi des années de bonheur. Le destin lui fera connaître d’autres maîtres, vivre des heures plus difficiles, lui apprenant, comme il le raconte lui-même, que les hommes peuvent être parfois cruels.
Le jour de la comtesse
Devant le café Gat, à Jérusalem, Gabriel Louria joue du violon, Orita Landau danse, Boulos effendi invite tout le monde au King David… C’est le dernier «jour enchanté» que se rappelle avec nostalgie le narrateur. Les émeutes arabes de l’été 36 éclatent la semaine suivante et, avec elles, le petit groupe d’amis. Juifs et Arabes, musulmans et chrétiens qui vivaient dans la tolérance réciproque, tous se dressent les uns contre les autres, dans un monde où, désormais, « un homme ne reconnaît plus son propre frère. »
Un pont d’oiseaux
Une légende vietnamienne raconte que l’étoile du soir et l’étoile du matin sont amoureuses mais ne peuvent jamais se rencontrer. Deux fois par an, les corbeaux font un pont par-dessus la Voie lactée et leur permettent de se réunir. En 1945, Pierre Garnier s’engage pour aller combattre en Indochine. Il y devient le correspondant du journal des troupes françaises en Extrême-Orient. Alors qu’il éprouve une même répulsion pour le colonialisme français et pour le communisme viêt-minh, les hasards de liaisons amoureuses violentes et sans espoir et ceux de la guerre le mèneront d’un bout à l’autre du pays, jusqu’à la défaite. La vie de Pierre est reconstituée par son fils André, le narrateur, qui l’a très peu connu. Au Vietnam, André arpente les rues et convoque des fantômes pour recomposer l’histoire d’une génération humiliée par la défaite de juin 1940, qui rejoignit l’Indochine à la Libération afin d’y rétablir une » certaine idée de la France « , et dont l’espoir se perdit quelque part entre Diên Biên Phu et les Aurès. Le voyage d’André à la recherche de ce père qu’il découvre trop tard nous entraîne au contact d’un univers colonial fascinant et hostile, peuplé de personnages de roman nommés Leclerc et Hô Chi Minh, d’Argenlieu et Giap, mais aussi dans la sensualité d’histoires d’amours impossibles, le mystère de secrets qui séparent les êtres et les pays – à moins qu’un pont d’oiseaux ne traverse le ciel.
Du domaine des murmures
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son vœu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe… Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l’entraînera jusqu’en Terre sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante.
Compère Général Soleil
1955. C’est à Paris, où il réside de 1946 à 1954 que Jacques Stéphen Alexis écrit ce premier roman qui apparaît comme le prolongement mais aussi la clôture de l’espoir entrouvert par Gouverneur de la Rosée de Jacques Roumain. S’appuyant sur un événement historique épouvantable -le massacre des travailleurs haïtiens de la canne, en 1937, en République Dominicaine- il raconte comment cet événement s’inscrit dans la logique des dictatures fascistes, et plus largement dans celle qu’entraîne la perte de toute dignité quand l’exploitation des hommes ne connaît plus de limites.
La symphonie pastorale
Il ne faut pas chercher à m’en faire accroire, voyez-vous. D’abord parce que ça serait très lâche de chercher à tromper une aveugle… Et puis parce que ça ne prendrait pas, ajouta-t-elle en riant. Dites-moi, pasteur, vous n’êtes pas malheureux, n’est-ce pas? Je portai sa main à mes lèvres, comme pour lui faire sentir sans le lui avouer qu’une partie de mon bonheur venait d’elle, tout en répondant: Non, Gertrude, non, je ne suis pas malheureux. Comment serais-je malheureux?
Rimbaud le fils
Pierre Michon n’est pas le biographe de Rimbaud. Il ne cherche à ajouter aucun chapitre, aucune ligne aux hagiographies et études existantes. Simplement, il enfile la personnalité du poète, se glisse dans l’intime de son écriture, tâchant de rejoindre, en définitive, la sienne. À coups de « on dit que » ou « on ne sait si », il parcourt, commente, hésite, rêve, abandonne, reprend l’aventure d’Arthur Rimbaud. Il ne donne aucune réponse, ne résout rien, mais s’interroge (en même temps qu’il interroge le jeune poète) : qu’est-ce qui pousse un homme à écrire ? À rechercher l’excellence ? Qu’est-ce qui fait soudain mûrir ses vers, « autant que s’il avait écrit d’un seul trait de plume La Légende des siècles, Les Fleurs du mal et La Divine Comédie » ? Le regard de Pierre Michon sur le « jeune versificateur bien doué, roué et hugolâtre » est délectable. Car il vibre de son désir de dire la genèse de sa propre écriture et, partant, de toute création.
La reine crucifiée
La reine crucifiée Elle s’appelle Inès de Castro. Il s’appelle dom Pedro, héritier de la couronne du Portugal. Ils ont vingt ans. Ils s’aiment. Nous sommes en 1340. Ils vont se retrouver pris au piège d’une effroyable machination, broyés entre raison d’État et raison du cœur. Du Portugal à la plaine vénitienne, de la Castille au palais des Papes, Gilbert Sinoué nous entraîne au cœur d’une fabuleuse fresque historique où la pureté des sentiments se heurte à la cruauté des temps, l’amour dévorant aux ambitions politiques. Entre fiction et réalité, tragédie et conspiration, il ressuscite, dans la lignée de L’enfant de Bruges, l’histoire célèbre et mythique d’une folle passion : celle de deux êtres que même la mort ne parviendra pas à séparer.
Le Clan des Otori (5 volumes)
Le Clan des Otori (titre original : Tales of the Otori) est une série de romans écrits par Lian Hearn se déroulant dans un Japon féodal imaginaire. Les cinq romans (Le Silence du rossignol, 2002 ; Les Neiges de l’exil, 2003 ; La Clarté de la lune, 2004 ; Le Vol du héron, 2007 ; Le Fil du destin, 2007) nous font suivre un jeune homme dénommé Takeo dans sa lutte pour venger son père adoptif, échapper à l’héritage de son père biologique et retrouver l’amour de sa vie au fil de grandes batailles mêlant des dizaines de seigneurs et de nombreux guerriers.
Mrs Dalloway
Le roman, publié en 1925, raconte la journée d’une femme élégante de Londres, en mêlant impressions présentes et souvenirs, personnages surgis du passé, comme un ancien amour, ou membres de sa famille et de son entourage. Ce grand monologue intérieur exprime la difficulté de relier soi et les autres, le présent et le passé, le langage et le silence, le mouvement et l’immobilité. La qualité la plus importante du livre est d’être un roman poétique, porté par la musique d’une phrase chantante et comme ailée. Les impressions y deviennent des aventures. C’est pourquoi c’est peut-être le chef-d’œuvre de l’auteur – la plus grande romancière anglaise du XXe siècle.
Son empire
» Il la kidnappe. Comme un tour de magie. Je perds ma mère. J’ai sept ans. Il faut voir comment ça se passe. Le déroulement. Heure par heure. C’est intense. Ma mère est pourtant sur des rails. Je me la rappelle très bien à ce moment-là, qui trace, voûtée parfois, toujours à la besogne, comme une machine en quelque sorte. Et soudain, le choc. Il l’expédie ailleurs. Il la prend, il la vide, il se met dedans et il ne ressort jamais « . Une femme rencontre un homme qui prétend l’aimer. Sa fille observe, impuissante, la prise de pouvoir progressive de cet homme jaloux, menteur, obsessionnel, voleur et paranoïaque, sur l’esprit de sa mère subjuguée. Dans ce roman inquiétant, à l’humour glacial, Claire Castillon excelle à disséquer les contradictions de la femme et la perversité de l’homme qui la manipule, tenant le lecteur sous le regard ambivalent de la fillette, témoin de l’effondrement de sa mère.
Waltenberg
Un homme rêve de retrouver une femme qu’il a aimée. Un maître espion cherche à recruter une taupe. Leurs chemins se croisent. Cela s’est passé au XXe siècle. Des tranchées à la chute du mur de Berlin, Hédi Kaddour croise les destins d’un journaliste français, d’un écrivain allemand, d’une cantatrice américaine, d’un maître espion berlinois, d’une certaine taupe française et entremêle avec maestria politique, vie intellectuelle et artistique, guerres et manoeuvres diplomatiques. Une fresque d’Histoire, d’amitié et de passion, doublée d’un roman d’espionnage trépidant, au souffle poétique puissant.
Efina
T est un acteur de théâtre marginal et fantasque, Efina une de ses admiratrices. Une lettre que T lui avait envoyée et qu’ils avaient tous deux oubliée les pousse à s’écrire et à se revoir. Ils entament alors une liaison faite d’attirance et d’éloignements, de curiosité et d’ennui, qui les obsédera toute une vie.
Cruel autant que drôle, ce roman est un magnifique portrait de l’amour en scène.
L’éclat du roi Louis XIV et de ses artistes est indissociable des années 1660-1690.Epoque de faste, époque de querelles littéraires et artistiques, époque brillante, située entre les troubles de la Fronde et le déclin du royaume, ces trente années d’absolutisme ont marqué la conscience nationale : c’est le » Grand Siècle « . Autour du jeune souverain qui conquiert son droit à exercer seul son pouvoir, qui réunit ses artistes, et se regarde au travers de leurs œuvres musicales – avec Lully -, picturales – avec Le Brun et Mignard -, littéraires – avec les odes et les tragédies -, une culture monarchique se constitue.Parallèlement, comme en miroir, ou en regard, d’autres courants s’intercalent, philosophiques, libertins, réformés, qui résistent à l’établissement d’un pouvoir absolu sur les arts et les lettres, le contestent, ou l’évitent. A côté des grands noms, des Corneille, des Racine, des Molière ou encore La Bruyère, Sévigné et La Fayette, Christian Biet nous fait découvrir, le temps d’un livre, les diverses mouvances et facettes de la littérature et des arts du » Siècle de Louis XIV « .
Les quatre vies du saule
En Chine, le saule pleureur symbolise la mort et la renaissance. Faut-il croire qu’une branche de saule puisse devenir une femme condamnée à poursuivre l’amour de siècle en siècle ? D’un Pékin bruissant dans les songes et la poussière aux silences de la Cité interdite, de l’ère des courtisanes vêtues de soie à la Révolution culturelle, des steppes où galopent les Tartares aux rizières qu’arrose le sang des gardes rouges, deux êtres se cherchent et se perdent. Tout les sépare. Toutes les tragédies d’un peuple ancien. Dans ce tumulte, il faudrait un miracle pour les réunir. Roman d’amour ? Oui. Mais ce roman lyrique est aussi une traversée de la Chine éternelle. C’est une fable qui a parfois le goût du thé amer.
Le petit garçon
La Villa, à l’écart d’une petite ville du sud-ouest de la France, ressemble, avec son immense jardin, à un paradis où rien ne peut arriver. C’est bien ce qu’avait voulu le père, un homme juste et sage. Voyant approcher la guerre, il avait quitté Paris pour mettre sa jeune femme et leurs sept enfants à l’abri. Mais quand déferlent les années quarante, le malheur atteint les univers les plus protégés. Bientôt, la Villa se peuplera d’étranges jardiniers et cuisinières. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants traqués, en danger de mort. Puis les Allemands vont arriver et violer le sanctuaire. La paix revenue, le père sacrifie repos et confort ; il arrache ses enfants à leur paradis afin de mieux assurer leur avenir. Cette histoire est vue par un enfant. Il traverse des tragédies et rencontre des solitudes, il connaît l’enchantement de la découverte de la vie, la nature. Jamais le petit garçon n’oubliera l’imposante figure de ce père au passé mystérieux; cette mère qui semble une grande sœur; Dora la juive allemande qui feint d’être muette ; Sam, le jeune prof aux manières insolites; et les jambes gainées de soie de la jolie Madame Blèze. Sur le même ton limpide de sincérité, l’auteur de L’étudiant étranger nous livre un portrait de la province, une vision de la famille, le tableau nostalgique d’une enfance.
Blanche ou l’oubli
Quand j’ai connu Blanche, elle portait un petit chapeau de feutre, cloche, très enfoncé, d’un feutre extraordinairement tendre, léger, mou, comme si ça lui avait fait quelque chose de coiffer Blanche. Elle aimait s’habiller en noir, elle s’asseyait d’une façon que n’avait personne, se penchait pour m’écouter, la joue sur sa main, le coude sur le genou. Je lui avais dit : » Vous fumez ? « , et elle avait éteint sa cigarette, non, c’était pure nervosité. C’est très drôle, cette petite fille, dès la première fois, dans un lieu avec de hautes lumières, un café tout en longueur, j’avais une idée tracassante, je ne pensais qu’à une chose, et Dieu sait ce que je pouvais dire ! Les mains m’en tremblaient, j’avais envie d’enlever son manteau, d’ouvrir sa robe. Pourquoi ?
Le colonel Chabert
Chabert ! Un nom dur à porter pour cet homme foudroyé. Célèbre, certes, mais qui passe désormais pour un imposteur. Car Chabert, colonel, comte d’Empire, est mort à Eylau, et son décès, historique, est consigné dans les actes militaires. Enseveli vivant ! Tel fut le sort de Chabert. Jeté dans une fosse au milieu des cadavres, sortant de ce charnier par miracle pour rester pendant six mois entre la vie et la mort. Un espoir ultime reste à ce malheureux : retrouver son identité. Hélas! Enterré sous les morts, le voilà maintenant enterré sous des actes. On le croit fou. Il gêne. Même sa veuve, remariée et héritière de ses biens, souhaite le voir rentrer sous terre. Le colonel Chabert était un fier cavalier des armées de Napoléon… jusqu’au jour où un cosaque lui fendit le crâne d’un coup de sabre. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais voilà que cet homme mort et enterré depuis des années reparaît soudain à Paris. La rue où il habitait a changé de nom, sa maison a été vendue et démolie, sa femme s’est remariée. Désespéré, Chabert demande à l’avocat Derville de l’aider à recouvrer son nom et sa fortune. Mais sa « veuve », devenue la comtesse Ferraud, ne l’entend pas de cette oreille. « Monsieur, lui dit Derville, à qui ai-je l’honneur de parler ? – Au Colonel Chabert. – Lequel ? – Celui qui est mort à Eylau », répondit le vieillard.
Gaspard de la nuit
En 1842, un an après la mort de son discret auteur, la première édition de Gaspard de la Nuit ne rencontre guère que le silence: vingt exemplaires à peine en sont vendus. Et il est vrai que les premiers lecteurs étaient sans doute mal préparés à la découverte de ce recueil de courtes « fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot » qui offraient à la fois l’apparence de la prose et la réalité d’une pure écriture poétique. Il faudra attendre Baudelaire pour que le poème en prose soit reconnu, et c’est justement l’auteur du Spleen de Paris qui fera découvrir à un public plus large ce « fameux Gaspard de la Nuit » grâce auquel l’idée lui est venue à son tour de » tenter quelque chose d’analogue ». D’analogue? Rien n’est moins sûr car si les pièces de Baudelaire s’attachent à la vie moderne, celles de Bertrand nous proposent la peinture de la vie ancienne. Et ce sont bien deux naissances successives du poème en prose.
Bille en tête
Avec ses seize ans en bandoulière, Virgile veut désormais vivre tout haut et non plus chuchoter sa vie dans les couloirs d’une école. Adolescent charmeur, doué d’une gaieté infernale, il séduit une amie de son père fort riche : Clara. Mariée et fortunée, Clara retrouve dans cette folle aventure la fièvre des premières passions. De nuits d’amour dans les hôtels, où on les prend pour mère et fils, en descentes dans les magasins de jouets, où Virgile dévalise le rayon des trains électriques, leur liaison prend une tournure de conte de fées amoral où tout va très vite ; mais déjà se dresse le père de Virgile qui n’apprécie guère que son fils se conduise en « gigolo ». Pourtant, au milieu de cette apparente gabegie, Virgile s’affermit, se plante sur ses jambes, prend la mesure du monde. Seule sa grand-mère, l’Arquebuse, semble le comprendre. Personnage tendre, haut en couleur et authentique, l’Arquebuse est pour Virgile une sorte d’assurance tous risques qui garantit le cœur, avec en prime des pâtés de canard. La clef de ce roman pudique, rapide et cocasse réside sans doute dans cette confidence de l’Arquebuse à Virgile : « Chaque fois que tu vis, que tu écris ou que tu dis quelque chose de grave, tu gagnes en grandeur. « Bille en tête » est le premier roman d’Alexandre jardin.
Thierry Maulnier poursuit parallèlement depuis de longues années sa carrière d’essayiste et de critique et sa carrière d’auteur dramatique.
Voici ses deux plus récentes pièces. La première nous montre Guillaume le Conquérant dans ses dernières années, obsédé par la volonté de se survivre dans une œuvre qui est déjà menacée elle aussi par l’usure du temps ; l’autre c’est le destin affronté par le jeune duc d’Enghien aux prises avec ce qui est moins la raison d’État que la colère et la peur d’un maître tout-puissant. Le contexte des deux œuvres est donc historique. Mais il ne s’agit pas de pièces historiques, encore qu’elles respectent l’Histoire. L’homme vieillissant face à la fin inéluctable, l’individu livré sans défense au caprice du pouvoir, ce sont deux situations qui ont gardé toute leur actualité et qui nous concernent tous. La mort est la chose du monde la mieux partagée.
Oedipe roi
Il avait traversé silencieusement une ville qui suintait la mort. Pyloros, le portier de la citadelle, l’avait conduit jusqu’au vestibule du palais où les servantes l’avaient accueilli, selon le rituel. Souvent interrogé sur les circonstances de cette arrivée, Pyloros n’avait pu rapporter que trois choses sur l’étrange voyageur : la rareté de ses paroles, l’absence de tout bagage, l’enflure insolite de ses sandales. D’où venait-il ?
Coeur des ténèbres
C’est une lente et funèbre progression qui mène le capitaine Marlow et son vieux rafiot rouillé, par les bras d’un tortueux fleuve-serpent, jusqu’au « cœur des ténèbres. »
Kurtz l’y attend, comme une jeune fille endormie dans son château de broussailles. Ou comme Klamm, autre K., autre maître du château tout aussi ensorcelé de Kafka. Éminemment moderne, le récit de Conrad, écrit en 1902, suscitera toutes les interprétations : violent réquisitoire contre le colonialisme, féconde représentation d’une libido tourmentée, rêverie métaphysique sur l’homme et la nature, chacun de puiser selon son désir dans ce texte d’une richesse et d’une portée sans limites. Car au bout du voyage, les ténèbres l’emportent. L’illusion domine un monde où pulsions de mort, masques et travestissements ont stérilisé l’amour. Mais pas le rêve qui, par la magie de cette écriture inflexible, se lève et déploie ses splendeurs comme une brume aux échos incertains. Scarbo. Le récit, au fil de la remontée d’un fleuve en forme de serpent, nous entraîne dans une expédition au coeur du continent africain, peuplé de combattants invisibles et de trafiquants d’ivoire rongés par la fièvre. C’est l’un d’eux, M. Kurtz, que Marlow, le narrateur, est chargé par sa compagnie de ramener en Europe. Mais le responsable du comptoir perdu s’est » ensauvagé « , et les indigènes tentent de s’opposer à son départ…
Zazie dans le métro
– Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y conduirai. – Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con. – Qu’est-ce qui t’intéresse alors ? Zazie répond pas. – Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu’est-ce qui t’intéresse ? – Le métro.
L’ane culotte
Le printemps et l’été, rien ne distingue l’âne Culotte de tous les autres ânes. Mais l’hiver, il porte des pantalons ! Et puis, d’où vient-il, cet âne mystérieux ? Et où retourne-t-il une fois que le boulanger et l’épicier ont rempli ses couffins ? Les anciens du village le savent, mais ils n’en parlent pas. Bravant un jour l’interdiction de Grand-mère Ernestine, un jeune garçon, Constantin, grimpe sur le dos de l’âne Culotte pour se rendre dans le pays défendu.
Le zèbre
Gaspard Sauvage, dit le Zèbre, refuse de croire au déclin des passions. Bien que notaire de province, condition qui ne porte guère aux extravagances, le Zèbre est de ces irréguliers qui vivent au rythme de leurs humeurs fantasques. Quinze ans après avoir épousé Camille, il décide de ressusciter l’ardeur des premiers temps de leur liaison. Insensiblement, la ferveur de leurs étreintes s’est muée en une complicité de vieux époux. Cette déconfiture désole Gaspard. Loin de se résigner, il part à la reconquête de sa femme. Grâce à des procédés cocasses et à des stratagèmes rocambolesques, il redeviendra celui qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’amant de Camille, l’homme de ses rêves. Même la mort pour lui n’est pas un obstacle.
Citoyens clandestins
« A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. » Le colonel Montana leva le nez pour observer le ciel qui s’assombrissait. « Croyez-moi, lorsque nous avons évoqué les retombées éventuelles de l’utilisation de la petite saloperie qui se balade dans la nature… Il ne s’agit pas seulement de sauver quelques vies humaines, Charles, mais de préserver notre crédibilité, notre influence internationale ainsi que des pans entiers de nos complexes militaro-industriel et pétrochimique. Nous ne pouvons pas nous permettre que des informations sur l’existence et la circulation de ces armes s’ébruitent. Et encore moins que celles-ci soient utilisées dans le cadre d’une action terroriste. Surtout avec ce qui vient de se passer à New York et à moins d’un an des présidentielles… »
La chambre
« Le tour de l’île : vingt-quatre pas. Six du nord au sud et d’est en ouest, depuis la porte d’entrée jusqu’à la fenêtre. Les cloisons de planches, la cheminée de marbre et, comme un lac suspendu, le grand miroir – la géographie de la chambre, ses rivages, ses déserts, sa faune, j’en sais tout. Mais le décor, cet étrange décor, acajou et pavé, brocart et chaises dépaillées, qui l’a composé ? Qui, surtout, a donné l’ordre de condamner les portes, puis la fenêtre, la cheminée, de poser des serrures, des verrous, je l’ignore… Et l’enfant ? Lorsqu’on a détaché sa chambre du continent, pourquoi n’a-t-il pas crié ? Pourquoi s’est-il laissé couler ?
À l’origine du crime, qu’y avait-il ?
Quand la foi soulève des montagnes, elle écrase des enfants. Est-ce la foi qu’on trouve au commencement de cette histoire ? Ou bien la peur, la bêtise, le hasard ? Qu’y avait-il « au commencement » ?»
Si on partait…
Souvenirs d’enfance et du croque-mitaine bien-aimé (la mère), dérive libertaire en auto-stop (cela va de soi) d’un tout jeune couple des années soixante-dix, rêves d’évasion d’un instituteur en rupture de ban… d’école ce bijou romanesque cache une grande subtilité de composition. Ses courts chapitres s’appellent, se télescopent, se renvoient une balle légère comme une bulle. Si ses nombreux personnages paraissent perdus, l’écrivain ne leur laisse pourtant jamais la bride .. sur le cou. Leur errance est organisée dans les moindres détails, et on arrive ainsi au terme du voyage… A moins que, grâce à une ultime Pirouette de l’auteur funambule, l’on s’aperçoive que l’on devrait reprendre le livre depuis la première ligne, tant les plaisirs qu’il offre sont divers et inattendus.
Il est un aspect de la crise financière qui a été peu abordé, sinon à la marge, lors de scandales ponctuels comme l’affaire Maddoff : les rapports du capitalisme financier avec la fraude et la délinquance. Or ils sont des plus troubles. Magistrat, auteur de plusieurs livres sur l’évolution contemporaine de la criminalité, en particulier économique, Jean de Maillard apporte un éclairage nouveau sur le développement du capitalisme dérégulé depuis une trentaine d’années. À rebours des idées reçues, il rattache l’écroulement de l’économie de l’automne 2008 à une histoire longue, où la fraude a servi de variable d’ajustement et de mode de gestion de l’économie depuis le triomphe des idées néolibérales. La sphère financière s’est en effet déployée autour du brouillage de plus en plus prononcé des critères du légal ou de l’illégal. Aussi les incantations sur les thèmes de la moralisation et la régulation ne risquent-elles guère d’avoir de prise sur une activité qui s’est constituée précisément pour contourner les normes. De lecture obligatoire pour les politiques en charge de remédier à la crise, l’ouvrage sera utile aussi au citoyen confronté aux retombées de pratiques qui lui restent incompréhensibles à s’en tenir aux discours officiels ou autorisés. Il fournit des clés pour déchiffrer un domaine particulièrement opaque.
Étoile errante
Pendant l’été 1943, dans un petit village de l’arrière-pays niçois transformé en ghetto par les occupants italiens, Esther découvre ce que peut signifier être juif en temps de guerre : adolescente jusqu’alors sereine, elle va connaître la peur, l’humiliation, la fuite à travers les montagnes, la mort de son père. Une fois la guerre terminée, Esther décide avec sa mère de rejoindre le jeune État d’Israël. Au cours du voyage, sur un bateau surpeuplé, secoué par les tempêtes, harcelé par les autorités, elle découvrira la force de la prière et de la religion. Mais la Terre promise ne lui apportera pas la paix : c’est en arrivant qu’elle fait la rencontre, fugitive et brûlante comme un rêve, de Nejma, qui quitte son pays avec les colonnes de Palestiniens en direction des camps de réfugiés. Esther et Nejma, la Juive et la Palestinienne, ne se rencontreront plus. Elles n’auront échangé qu’un regard, et leurs noms. Mais, dans leurs exils respectifs, elles ne cesseront plus de penser l’une à l’autre. Séparées par la guerre, elles crient ensemble contre la guerre. Comme dans Onitsha, avec lequel il forme un diptyque, on retrouve dans Étoile errante le récit d’un voyage vers la conscience de soi. Tant que le mal existera, tant que des enfants continueront d’être captifs de la guerre, tant que l’idée de la nécessité de la violence ne sera pas rejetée, Esther et Nejma resteront des étoiles errantes.
Grand bal du printemps
Grand Bal de printemps est une célébration de Paris, chantée en duo par un poète (Prévert) et un photographe (Izis). Un chant d’amour pour une ville. « Paris est tout petit / c’est là sa vraie grandeur ». Le Paris de Prévert est celui des quartiers populaires, celui des musiques de rue, celui des fêtes et de la misère, celui des enfants en liberté et des « étranges étrangers ». Le Paris de Prévert est une ville humaine, une ville au quotidien, avec ses grands malheurs et ses petits bonheurs. Les photographies d’Izis donnent des visages à cette humanité.