
Démobilisé, Charles Desperrin arrive à Paris en mai 1919. Renouer avec sa vie antérieure lui paraît hors de question. Repartir pour l’Italie jouer les vignerons peintres auprès de Rosita qu’il a épousée sous le nom de Lorenzi? Impossible. Il va essayer d’oublier la guerre chez sa mère, à Gien. Il a presque oublié la peinture: un ami, Marc, le pique assez au vif pour qu’il file à Florence revoir ses toiles confiées à son ami Salti. Le même élan le ramène à Montparnasse, mais son heure n’a pas encore sonné. Il faudra que Salti organise à son insu une exposition triomphale pour qu’il secoue enfin sa léthargie et redevienne le bon géant ivre de peinture du temps de «Lorenzi» – ce temps que raconte «Vie d’un païen». C’est dans un atelier perché en haut de la colline du Télégraphe que Charles se lance à nouveau dans le tumulte joyeux de la création, envié de tous les Montparnos car ses tableaux italiens lui assurent gloire et fortune. Mais ce n’est pas d’argent que se préoccupe Charles. En même temps qu’il retrouvera ce grand courant de l’imagination qui lui fera mettre «la beauté à genoux», il rencontre Kali, une jeune femme inconnue, premier et seul amour de sa vie que tant de femmes auront traversée. Une nouvelle vie de démesure commence pour Charles Desperrin.
Vie d’un païen
Il n’est pas donné à tout le monde de grandir libre de conseils, de reproches et d’entraves, et de passer son enfance à courir les prés et les bois au bord de la Loire tel un petit dieu Pan solognot, inculte et ivre de vie. Charles Desperrin a cette chance par la grâce du sort qui le fait naître à Gien d’une mère peu loquace: Adèle se contente de le remettre d’une taloche dans le droit chemin et ne se préoccupe pas du reste pour autant qu’il mange bien et grandisse de même. C’est une manière de jeune Hercule taciturne qui entre à l’école primaire et en ressort peu après, renvoyé par un maître offusqué d’un naïf essai de portrait pris pour une caricature. Voilà comment, ayant pour tout bagage l’amour du dessin, il peut continuer à errer en liberté dans la campagne, rencontre le peintre Chalupt et découvre sa vocation. Peindre devient une passion dévorante qui le mène à travers la France et jusqu’en Italie, vagabond vigoureux et sauvage qui mord à belles dents – sans peur ni complexes – dans les fruits semés par l’existence sur son passage, du même cœur qu’il assume les aventures ourdies par le hasard. Et elles abondent dans cette Vie d’un païen pétillante d’invention et de couleurs.